Les raisons d’un vote

A Doussay, petite commune du Lencloîtrais, plus de 42% des votants ont accordé leur suffrage à Marine Le Pen. A l’opposé, le score d’Emmanuel Macron a atteint 36,40% à Mignaloux, banlieue proche de Poitiers. Sur le terrain, les analyses divergent.

Arnault Varanne

Le7.info

Le bar-restaurant de la commune est désert ce matin-là. Pas un chat non plus dans le centre-bourg. L’école est fermée pour cause de vacances, l’accueil de la mairie transféré à la salle des fêtes en raison de travaux. Bienvenue à Doussay, petite bourgade paisible du Lencloîtrais. Ici, on s’est habitué au vote Front national. Marine Le Pen a raflé 42,36% des voix, l’autre dimanche. Aux Européennes de 2014, c’était 39,89%. Aux Départementales, 43,23%. Et aux Régionales, 41,41%.

« C’est comme ça, lâche Alain Lambert, artisan à la retraite et conseiller municipal. Ici, il n’y a pourtant pas de blacks, de beurs ou de musulmans. » « Et on a quand même un bureau de poste, un service de ramassage scolaire et une école », embraie un autre habitant. A les en croire, ce ne sont «pas les vieux» qui voteraient Le Pen, mais plutôt « les jeunes », installés dans les lieux-dits de cette commune très étendue. « Ils bossent, mais ont l’impression de ne pas y arriver, avec la maison à rembourser, tout ça... »

Le Pen des champs

La visite de Marine Le Pen, le 3 avril, au marché de Lencloître ? «Oui,ça a pu jouer sur le score», estime une autre habitante. Qui assène, dépitée : « Franchement, j’ai honte de ma commune. Finalement, on ne connaît pas les gens. » A Doussay, beaucoup s’accordent à dire qu’on « vit bien ». L’église (en rénovation) est bien au milieu du village, la mairie va se refaire une beauté. L’insécurité n’existe pas. Et pourtant...

Macron des villes 

A Mignaloux-Beauvoir, Benoît Hamon est sorti en tête des primaires socialistes en janvier dernier. Devant Manuel Valls. Et pourtant, ici, la tendance centre-gauche d’Emmanuel Macron a obtenu l’un de ses meilleurs scores du département (36,40%). « La sociologie de la commune correspond assez à l’électeur de Macron, des cadres moyens et supérieurs, des professions libérales, beaucoup de fonctionnaires », estime le maire, Gérard Sol. L’accueil des migrants en octobre dernier et les tracts hostiles qui suivirent n’ont finalement pas amplifié le vote Front national. Collée à Poitiers, Mignaloux n’a plus grand-chose d’un village rural. Commerces, services et équipements sportifs sont bien présents.

« C’est la gauche caviar ici », lance un habitant, plus étonné par le score élevé de Mélenchon (19,68% à égalité avec Fillon) que par celui de Macron. « Personne n’est très riche, mais les gens sont quand même pour la plupart aisés », nuance un autre. Dans le bar-restaurant du bourg, une poignée de clients vient prendre son café du matin. « On lui reproche son manque d’expérience, mais qu’il n’ait pas fait carrière dans la politique, ce n’est pas un mal. Il faut des nouveaux visages », plaide une quadra. Qui ajoute : « Il a aussi un capital sympathie et intégrité important. »

« Moi, l’Europe me rassure, je ne veux pas en sortir. Je préfère voir des pays regroupés plutôt que l’inverse », souligne un autre client. Un troisième intervient : « Les gens avec des moyens voteront pour lui. C’est peut-être avec ceux d’en bas qu’il aura plus de mal. » Emmanuel Macron est prévenu.
 


En conscience
Combien seront-ils (elles) à se mobiliser, dimanche, à l’occasion du second tour de la Présidentielle ? Entre injonction au vote utile, incitation au vote blanc et tentation de l’abstention, l’issue du scrutin n’a jamais paru aussi incertaine. N’en déplaise aux sceptiques. Front républicain contre Front national, l’antienne a vécu. Aujourd’hui, on s’insulte sur les réseaux sociaux à coup d’arguments frappés « au coin du bon sens ». On moque les manifestants sur l’air du « Tous moutons ». On se refile même plus sous le manteau les meilleurs « fake » des sites de propagande. Avec des effets ultra pervers. Bref, on se déchire dans les grandes largeurs. Comme un air de pré-guerre civile. Le futur locataire
de l’Elysée aura une responsabilité particulière pour rassembler les camps, rapprocher les gens. Mais en attendant, chacun doit répondre à l’appel des urnes, voter en conscience. Et aussi sortir du culte de l’homme (la femme ?) providentiel omniscient, qui nous fait verser dans une folie aussi douce que dangereuse. 

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