Foncier : quand les prix s’envolent

Urbanisation et investisseurs sans scrupule font actuellement monter les prix des terres agricoles dans certaines zones. Ce qui complique le renouvellement des générations d’agriculteurs et accélère la désertification.

Romain Mudrak

Le7.info

Pour les jeunes agriculteurs, devenir propriétaires de leurs terres n’a jamais été une partie de plaisir. Mais depuis quelques années, plusieurs phénomènes s’additionnent et font grimper le prix du foncier. Premier facteur, l’urbanisation galopante vient rogner les surfaces alimentaires. En France, cette artificialisation -terme consacré-, est repartie à la hausse de 20% depuis 2015. 50 000 hectares (ha) de terres agricoles ont disparu l’année dernière. A titre d’exemple, dans la Vienne, la LGV Tours-Bordeaux a«avalé»près de 800ha.«Et les agriculteurs lésés ont souvent accepté d’acheter d’autres terres plus chères pour compen- ser la perte, ce qui a contribué à la hausse des prix », précise Alain Poublanc, directeur départemental de la Safer, opérateur public foncier qui veille au maintien des prix.

Le second élément « parasite » est d’une toute autre nature. De plus en plus d’investisseurs, à mille lieues du monde paysan, achètent du foncier agricole comme ils injecteraient de l’argent dans du patrimoine. Certaines entreprises réduisent ainsi leurs impôts sur les bénéfices. « La terre est devenue un bon placement. Les prix sont alors complètement déconnectés de la rentabilité liée à leur culture », assure Romain Portron, secrétaire général des Jeunes Agriculteurs de la Vienne.

Responsabiliser les vendeurs
Ces acteurs d’un nouveau genre sont capables d’offrir jusqu’à deux fois la valeur moyenne constatée des terres, qui s’élève entre 5 000 et 6 000€ l’hectare. Difficile pour un vendeur de refuser... « Sauf à faire preuve de responsabilité vis-à-vis de la jeune génération et de se souvenir que lui aussi a cherché à s’installer dans le passé », reprend Romain Portron. Grâce à un subterfuge tout à fait légal, ces investisseurs contournent le droit de préemp- tion détenu par la Safer et censé limiter la hausse des prix. Ces astuces ont été très bien détail- lées dans le dernier numéro de « Pièces à conviction », diffusé le 27 septembre sur France 3 et encore disponible en replay. Ce reportage, dont une partie était tournée dans la Vienne, mettait aussi en avant le risque de concentrer les terres dans les mains d’une poignée d’acteurs, notamment en termes de désertification rurale.

En juillet dernier, le député de la 3e circonscription de la Vienne Jean-Michel Clément a co-signé une tribune avec d’autres parlementaires pour « défendre une politique foncière juste, qui privilégie le fac- teur humain au jeu des capitaux, qui favorise la diversité au détriment des monopoles ». Le 15 mars 2018, un colloque abordera le même thème à l’université de Poitiers.

Sur les 8 000ha échangés en 2016, 1 500 ont été préemptés par la Safer. La moitié a été finalement vendue à de jeunes agriculteurs au prix du marché. Tout n’est pas si noir dans la ferme France.

 

Une centaine d'agriculteurs mobilisés à Couhé
La "financiarisation du foncier agricole" était au centre d'une manifestation, qui a réuni une centaine d'agriculteurs toutes tendances confondues, mercredi matin, à Couhé. "Des investisseurs français et étrangers, qui n'ont rien à voir avec le monde agriciole, sont en train de vider les campagnes et personne ne les voit venir", assure Michel Caillé, vice-président de la FNSEA 86 et responsable de la Ferme s'invite, les 11 et 12 novembre à Poitiers. L'événement sera d'ailleurs l'occasion de sensibiliser le public à la cause.

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