Le pouvoir des fleurs

Cédric Tranchant. 40 ans. Meilleur ouvrier de France fleuriste et récent vainqueur du concours mondial de Tours. Formateur dans la vie de tous les jours, le Cisséen aimerait, un jour, ouvrir sa propre école.

Arnault Varanne

Le7.info

L'ivresse des sommets ne semble pas le griser, du moins en apparence. Il est pourtant seul sur le toit du monde de sa spécialité : l’art floral. Fin septembre, Cédric Tranchant a remporté le concours mondial des fleuristes de Tours, devant une Chinoise et un Russe. Une forme de revanche sur le destin. « Il y a deux ans, à l’occasion de la première édition, j’étais arrivé deuxième... » Le quadra s’était promis de revenir en terres tourangelles et de triom- pher. C’est fait. Le voilà donc rassasié et condamné à passer de l’autre côté de la barrière. « Dans mon métier, je ne peux rien gagner d’autre. A part Miss Univers... », admet-il l’œil malicieux.

Oscar des jeunes fleuristes 2007, champion de France 2008, Meilleur ouvrier de France 2011, le fils de militaire et de formatrice en art floral s’est, paradoxalement, révélé sur le tard. Car c’est d’abord une carrière de cuisinier qu’il a voulu embrasser. « J’ai obtenu mon BEP hôtellerie, puis je suis parti à la réunion effectuer mon service militaire, avant de revenir à Poitiers. J’étais second de cuisine, mais j’ai arrêté du jour au lendemain. Le métier me plaisait, mais j’en avais marre de vivre en décalé par rapport aux autres. » Dans le flou, Cédric Tranchant suit alors les conseils de sa mère, qui lui conseille de « passer un CAP de fleuriste ». Avec du recul, le « MOF » lui a donné mille fois raisons. « Quand on y réfléchit, un fleuriste et un cuisinier veulent faire plaisir à leurs clients et travaillent des produits éphémères. Il y a des similitudes ! »

Transmission familiale

Las… Aussi prestigieuses soient-elles, les récompenses font rarement tourner une boutique. L’ancien disciple de Jean-François Boucher (Tours) et Muriel Bailet (Carcassonne) l’a appris à ses dépens. Mais son « mauvais emplacement boulevard Anatole-France » ne lui aura permis que de « vivoter ». Alors, celui a parcouru le globale dans les valises de son père -Venezuela, Espagne…- a choisi de transmettre son savoir à d’autres professionnels, et même aux amateurs. Formateur au sein du réseau Floriform, il assure, à la suite de sa mère Marina, les cours à Biard, Saint-Benoît, Migné, Quinçay…

L’histoire est belle et la complicité familiale réelle. A Tours, l’artiste était évidemment bien entouré, avec sa compagne et son fils de (presque) 10 ans aux premières loges de son show victorieux. S’il n’avait « pas la fibre » au départ, cet amateur de pétanque a toutefois toujours adoré dessiner. Du reste, il se déplace rarement sans un bloc et un crayon. Il couche sur le papier ses futures créations, fruit de ses pérégrinations d’enfant. « Lorsque nous voyagions en famille dans d’autres pays, j’ai pu découvrir des cultures différentes. Je me souviens de visites dans les musées ou de rencontres. J’ai eu de la chance de bénéficier de cette ouverture. »

Histoire de s’imprégner de nouvelles façons de travailler, le champion du monde rêve aujourd’hui de découvrir les pays asiatiques. Dans son viseur, le Vietnam ou la Chine. « Et même la Russie. » Son appétence pour l’art floral est « juste » teintée d’une forme de circonspection sur le métier. « Face à la concurrence des grandes surfaces ou des chaînes, c’est de plus en plus compliqué d’être à son compte. Et puis, le fait d’offrir des fleurs est un peu passé de mode. » Cédric Tranchant parle en homme « libre » et affranchi des contingences d’un artisan du quotidien. En professionnel « exigeant » et « passionné », il se permet toutefois d’adresser quelques conseils à celles et ceux qui voudraient suivre sa trace. « Il faut se donner les moyens de réussir. On n’obtient rien sans travail. »

A l’heure où l’apprentissage et l’artisanat semblent toujours souffrir d’une image dégradée, le message est passé. Visiblement, l’ivresse des sommets ne l’a absolument pas grisé ! Sa prochaine ambition ? Ouvrir sa propre école de formation « dans dix-quinze ans ». Compliqué ? Pas quand on a la foi. A sa manière, l’humoriste et écrivain américain Mark Twain a résumé la situation : « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait. » Ah, le pouvoir des fleurs… 

Photo Benjamin Dubuis

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