Nicole Bonnefoy : « On fait ça pour les victimes »

La sénatrice socialiste charentaise Nicole Bonnefoy veut créer un fonds d’indemnisation pour les victimes des produits phytosanitaires. Le Sénat a adopté sa proposition de loi. Reste maintenant à convaincre les députés.

Romain Mudrak

Le7.info

Le 1er février dernier, les sénateurs ont largement voté en faveur de votre proposition de loi. Quelle est la vocation de ce texte ?
« Ma volonté consiste à créer un fonds d’indemnisation des victimes des produits phytosanitaires. Les agriculteurs pourront y prétendre, mais pas uniquement. Cette proposition de loi est le prolongement d’un rapport que j’ai réalisé en 2012 sur l’impact des pesticides sur la santé humaine. Certaines recommandations ont déjà été introduites dans la loi, comme l’arrêt de l’utilisation des pesticides par les collectivités. J’ai pu constater qu’obtenir une indemnisation est un véritable parcours du combattant. Les gens n’ont pas les moyens d’engager quinze années de procédures judiciaires. Demain, ce fonds facilitera cette démarche sans aller en justice. »

Concrètement, comment ce fonds pourra-t-il intervenir ?
« Un agriculteur reconnu en maladie professionnelle ou non, qui veut être indemnisé de l’intégralité de son préjudice économique et moral, déposera un dossier auprès du fonds, géré administrativement par la caisse centrale de la mutuelle sociale des agriculteurs (MSA). Ce dossier passera devant une commission autonome composée de médecins, d’épidémiologistes, etc… qui confirmera le lien ou pas. Elle aura un pouvoir d’investigation pour aller chercher, par exemple, la composition des produits auprès des firmes qui ne pourront pas lui opposer le secret industriel. Le fonds proposera alors une indemnisation aux plaignants. A lui de l’accepter ou pas. »

Qui financera ce fonds ?
« La réparation sera payée par les firmes elles-mêmes car ce fonds sera alimenté par une taxe prélevée sur le chiffre d’affaires de l’industrie pythosanitaire. Elle existe déjà depuis 2016. C’est le principe du pollueur-payeur. »

Après le vote du Sénat, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a démontré une certaine hostilité au texte. Qu’en pensez-vous ?
« La ministre était au Sénat pour apporter ses éléments. Nous avons tous été interloqués par sa réponse, à commencer par des malades qui étaient en tribune. Elle a considéré qu’il était difficile de faire le lien entre la maladie et l’exposition aux produits, que les conséquences étaient souvent multifactorielles… Or, de nombreuses analyses montrent le lien : l’expertise globale sur vingt ans, publiée en 2013 par l’Inserm, le rapport de l’Anses en 2016 ou différents rapports des inspections générales des ministères de la Santé, de l’Environnement, de l’Agriculture. Le dernier remonte à décembre dernier… Sur ce sujet, je sais que j’ai le soutien de Nicolas Hulot (ministre de l’Ecologie). »

Cette position peut-elle avoir un impact sur le vote des députés ?
« Les citoyens doivent se mobiliser pour sensibiliser leur député à la question. Il faut en parler dans les médias. PhytoVictime, Générations Futures et d’autres ONG soutiennent la démarche. J’en appelle à toutes les structures et les particuliers concernés pour influer sur les députés et le gouvernement afin que ce texte puisse être voté. Aucune date n’est arrêtée pour le moment. »

À lire aussi ...