Une personne sur cinq renonce à se soigner

Selon une enquête réalisée par la Caisse primaire d’assurance maladie de la Vienne, le taux de renoncement aux soins atteindrait 21,70% dans le département (1). Le manque de moyens et les délais de rendez-vous sont les deux principaux facteurs avancés.

Arnault Varanne

Le7.info

Familles monoparentales, personnes seules, sans activité, seniors… Dans le département, plus d’une personne sur cinq renonce à se faire soigner pour des raisons financières (53,7%), des délais de rendez-vous trop longs (24,8%) ou encore la nécessité d’avancer les frais (18,5%). Sans surprise, au hit-parade des renoncements, les soins dentaires conservateurs (45,3%) et prothétiques (45,6%) trustent la première place, devant l’ophtalmologie (24,5%). « Le vieil adage qui consiste à penser que les dents « c’est cher et ça fait mal » perdure, constate Pierre Fronty, président du Conseil de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de la Vienne. Or, si nous étions davantage dans la prévention, nous n’aurions presque pas besoin de prothèses… »

Prévenir et éduquer, ce sont précisément les missions du Centre communal d’action sociale de Poitiers, notamment auprès des populations les plus fragiles. Dans le cadre de son Contrat local de santé (2), le CCAS mène des actions visant à « mieux informer les personnes de leurs droits » et à faire tomber quelques appréhensions. « Il y a à la fois une méfiance vis-à-vis du corps médical et aussi une peur du jugement. Certaines personnes ne veulent pas se confronter à une difficulté supplémentaire », abonde Véronique Bounaud, responsable du pôle accompagnement santé du CCAS. « L’accompagnement, c’est vraiment la clé, renchérit Régine Faget-Laprie, adjointe au maire en charge de l’action sociale et de la santé. Quand certaines mamans nous disent qu’elles n’ont prise sur rien, il faut les guider vers le corps médical. La relation de confiance patient-médecin est fondamentale. »

Reste à charge zéro

A défaut d’aller chez le médecin, les patients peuvent recevoir leur visite presque à domicile. De plus en plus de professionnels se rendent ainsi dans les quartiers et les communes, à l’image de l’association Aide odontologique de suivi itinérant de soins. Laquelle a dépêché, il y a quelques jours, des dentistes au relais Georges Charbonnier. « Nous nous adressons à toutes les populations vulnérables, âgées, handicapées ou précarisées », détaille Didier Grivelet, président du Comité d’hygiène bucco-dentaire de la Vienne. Ce n’est évidemment pas la panacée, mais l’initiative a le mérite d’exister. « En matière de prévention, les médecins généralistes ont aussi leur rôle à jouer, insiste Maryline Lambert, directrice de la Caisse primaire d’assurance maladie de la Vienne. Il faut une meilleure coordination entre tous les acteurs. » L’Assurance maladie les a réunis la semaine dernière, à l’occasion d’une matinée de réflexion collective.

Cette réunion intervient quelques semaines après l’accord entre les syndicats de dentistes et le ministère de la Santé. A partir de 2021, les assurés n’auront plus rien à débourser lorsqu’ils se feront poser une prothèse, une audioprothèse ou devront s’équiper de lunettes. La mesure fait l’unanimité. A fortiori parce qu’elle s’accompagne d’un plan de prévention plus offensif, avec des examens bucco-dentaires dès 3 ans, au lieu de 6 ans aujourd’hui.

(1) Diagnostic réalisé entre le 20 novembre et le 8 décembre auprès de 1 500 personnes du régime général.
(2) Le Contrat local de santé 2018-2022 sera signé le 13 juillet avec neuf partenaires. Ils n’étaient que quatre en 2014.

 

 


Liberté individuelle…
Dans certains pays du nord de l’Europe, le remboursement de certains soins est conditionné à des visites régulières chez un praticien. Autrement dit, celles et ceux qui rechignent à passer chez le dentiste une fois par an et ne s’y rendent qu’en cas de nécessité ultime se révèlent pénalisés. En France, le libre choix de l’individu prime sur toute autre considération, même si les incitations à la prévention se renforcent et vont se multiplier. L’enquête de la Caisse primaire d’assurance maladie met en évidence ce que tout le monde sait : une précarité supplémentaire appliquée à des populations déjà marginalisées. Une forme de double peine intolérable à l’heure où l’on parle de plus en plus de médecine prédictive et de séquençage du génome. Le renoncement aux soins coûte cher collectivement et agit individuellement comme un puissant marqueur social, qui empêche de trouver un emploi, de s’insérer dans un collectif… Bref, il est grand temps de changer de braquet sur la prévention.

Arnault Varanne

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