Michel Grellier : « Mes parents étaient catastrophés »

Nouvelle série dans les colonnes du « 7 ». La rédaction donne la parole à des personnes handicapées, qui se livrent sur leur quotidien, entre petites joies et grandes peines. Une série garantie sans filtre. Premier volet avec Michel Grellier, fondateur et président de l’Association sportive sociale des handicapés et adhérents valides (Asshav). 

Arnault Varanne

Le7.info

Mon handicap 
« Je suis aveugle depuis l’âge de 25 ans. J’ai été atteint d’une rétinite pigmentaire. Avant, j’étais tourneur-fraiseur dans une usine de précision, à Poitiers. J’avais un champ de vision réduit, mais qui ne m’empêchait pas de bosser sur une machine-outil. A un moment donné, il a quand même fallu arrêter. Comment je l’ai vécu ? Mal ! Ce qui m’a le plus gêné, c’est mon autonomie et le regard de mes copains. Du jour au lendemain, vous n’avez plus de bagnole. Et puis, j’ai eu du mal à l’avouer aux copains. Certains collègues se doutaient de quelque chose. Ils me mettaient des chariots en travers pour que je me casse la g… Ça me blessait quand je rentrais à la maison. »

Et après ? 
« Mes parents étaient catastrophés, ils ont cherché plein de trucs à faire pour moi, comme élever des moutons sur des terres qui leur appartenaient. Moi, j’ai pris le taureau par les cornes. On m’a orienté vers le métier de kiné, je suis même parti en pré-formation à Aixe-sur-Vienne. Mais je ne voulais pas faire ça… J’avais horreur de frotter les gens avec mes mains ! Pourtant, le formateur était persuadé que j’avais les capacités. Je voulais faire de la vannerie. Finalement, je me suis retrouvé standardiste, sans que ça me passionne beaucoup. »

Ma carrière
En passant les concours, je suis rentré chez France Télécom, où je suis resté trente-six ans. Après, j’ai repris des études et des cours par correspondance pour être titularisé, je suis devenu cadre B puis A. Je m’occupais d’adapter les postes. A un moment donné, le directeur de cabinet m’a dit : « Maintenant, c’est Paris direct ! » C’était hors de question. Quand on est handicapé, la vie parisienne… »

Sportif de haut niveau 
« Avant de perdre la vue, je faisais du judo et du foot. Je suis assez sportif à la base. Au début des années 80, nous étions plusieurs handicapés visuels à vouloir monter une association. C’est comme ça que l’Association sportive sociale des handicapés et adhérents valides (Asshav) a vu le jour en septembre 82. A l’époque, je faisais du torball. Un sport qui m’a permis de voyager, de rencontrer des gens… Et même de devenir champion du monde ! Avec du recul, j’ai eu de la chance de vivre ça. »

Le regard des autres 
« Je vais vous donner un exemple. J’étais avec mon amie sur le marché de Perros-Guirec. Je touche malencontreusement le pied d’un type. Et ce c… de me répondre : « Celui-là, il voit rien ! » C’est normal, j’ai une canne blanche, lui ai-je répondu. C’est malheureusement régulier, mais je m’en fous maintenant. J’ai été blessé, maintenant je suis blindé. Après, je comprends que certains malvoyants le prennent mal. »

 

L’Asshav en 2 mots 
Fondée en 1982 par Michel Grellier, l’Association sportive sociale des handicapés et adhérents valides propose des activités sportives et sociales aux personnes atteintes d’un handicap. En compétition, la structure s'aligne sur du torball, du basket, de la sarbacane et du cyclisme. Fort de ses 170 licenciés, elle a déjà obtenu plusieurs titres de champion de France dans de nombreuses disciplines. Dans son quartier général de Beaulieu, l’Asshav accueille toute la semaine enfants et adultes autour d’autres activités culturelles et sociales, des après-midis jeux… Au fil des années, l’association est devenue un vrai centre de ressources, disposant de matériels sportifs en location. Quatre salariés veillent au quotidien sur les adhérents. Plus d’infos sur www.asshav.com ou par courrier à association@asshav.com. 2, place Jean sans terre, 86 000 Poitiers.

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