Confidences à ciel ouvert

Silvio Vio. 65 ans. Italo-Poitevin revendiqué, directeur de Silvair Services, à Châtellerault. Quarante-six ans de pilotage au compteur et une passion toujours intacte. Aime tout particulièrement invoquer ses ancêtres les Romains.

Claire Brugier

Le7.info

Le Français est parfait, précis, largement émaillé de ces tournures idiomatiques qui ne s’apprennent pas dans les manuels scolaires. Et puis il y a l’accent, reconnaissable entre mille, que plus de quarante années de vie en Poitou ne sont pas parvenues à gommer. Un accent chaleureux, à l’image du personnage.

Silvio Vio est Italien. Sa carte d’identité en témoigne depuis 1954. Il a certes, un jour, songé à prendre la nationalité française. Mais juste un jour, juste « pour être maire de Nantes », parce qu’il avait succombé au charme de la Venise de l’Ouest. 

Le fondateur de Silvair Services n’a pas besoin d’un document officiel pour se sentir chez lui dans la campagne châtelleraudaise. « Je ne veux pas avoir l’air prétentieux mais en France, je suis chez moi. En fait, ici, je suis dans ma province ! » Rire tonitruant. Silvio Vio se réclame volontiers de ses ancêtres les Romains et du premier d’entre eux, César. L’humour mâtiné d’admiration avec lequel il habille ces apartés historiques ne fait que souligner une vraie connaissance géopolitique du monde d’hier et d’aujourd’hui, dans lequel, il va sans dire, les Italiens ont à peu près tout inventé, du « Code civil directement inspiré du droit romain »à la « tour de Monthoiron, bâtie selon les plans d’un certain Leonardo da Vinci ».

Silvio Vio revendique ses racines romaines même si, plus sérieusement, il évoque avec beaucoup de fierté ses origines vénitiennes. « Mon arrière-grand-père était commerçant en étoffes à Burano. Mais il avait prêté de l’argent à tout le monde et beaucoup ont oublié de le lui rendre... » 

La famille s’est donc lancée dans l’élevage et le commerce du bétail et c’est ainsi que le jeune Silvio Vio, à la faveur d’un job d’été, en 1974, s’est rendu « en France pour acheter des taurillons ». A Saint-Rémy-sur-Creuse. « J’y ai rencontré mon épouse. Le coup de foudre ! »Véronique n’était autre que la fille des vendeurs. « Notre amour est quand même resté longtemps platonique. Il n’y avait ni Whatsapp, ni Facebook...  Nous nous sommes fréquentés pendant deux ans et demi avant notre mariage, en 1976, mais nous ne nous étions vus que cinq fois ! »

« César, comme le grand homme ! »

En 1977, César est né. « César, comme le grand homme ! J’étais imprégné par l’histoire mais j’ai peut-être été un peu ambitieux pour mon fils, qui n’a pas encore fait ce qu’a fait César ! » Re-rires. Le petit César a préféré voler dans les ailes de son père et devenir pilote, tandis que sa cadette Aurélie se lançait pleinement dans une carrière de DJette. 

A l’âge où l’on se cherche un avenir, leur père, lui, avait un bac scientifique en poche, un amour en France et déjà la passion de voler. « En 1973, l’un de mes oncles, à l’âge de 60 ans, a passé son brevet de pilote. Imaginez, c’était il y a plus de quarante ans ! Il a proposé de faire découvrir les airs à la famille mais tout le monde avait peur que le vieux nous tue. » Silvio Vio s’amuse de ce souvenir. Il a été le seul à s’aventurer aux côtés du tonton pilote. « Ça a été une révélation. »Au point que le jeune homme a passé avec succès le concours de l’armée de l’air. Ironie du sort, cette année-là les reçus ont été redirigés vers l’armée de terre. « Je me suis retrouvé dans l’infanterie. Les avions, je ne faisais que les voir passer ! »

Après son mariage, Silvio Vio a travaillé en France, « dans les tuiles plates »à Ingrandes-sur-Vienne et dans l’Indre, puis « dans l’emballage ». Il réveille une anecdote cocasse tirée de ses débuts dans le secteur. « En tant qu’Italien, je ne connaissais pas certaines subtilités de la langue française... Mes collègues peinaient à démarcher des clients, moi pas. Alors je leur ai dit comment je me présentais : « Bonjour, je suis Silvio Vio, je suis emballeur professionnel ». »Le regard brun se fait malicieux. « Je n’ai plus jamais osé le répéter et, comme mes collègues, j’ai peiné à obtenir des rendez-vous ! »

« J’avais toujours la passion de voler »

Silvio Vio a néanmoins gravi les échelons, jusqu’à une promotion à Nantes, en 1998. « J’étais fier, content, orgueilleux... Je n’avais pas réalisé que c’était un sacré challenge et qu’ils avaient juste trouvé le c... pour l’accepter. »Eu égard à ses origines italiennes, le directeur d’exploitation a durement éprouvé« le sentiment de rejet » mais a relevé le défiDeux ans plus tard, il gratifiait son équipe d’un week-end... à Venise ! 

« Pendant toutes ces années, j’avais toujours la passion de voler », rappelle-t-il.  En 2005, délaissant le monde de l’emballage, il a créé Silvair Services. « ULM, Boeing, Rafale, c’est la même passion, celle qui permet de se détacher du monde terrien. » Sa petite entreprise, présente le week-end dernier au Salon du Bourget, a vendu une centaine de machines volantes, développé un précieux service après-vente et formé de nombreux pilotes. Silvio Vio ne se lasse pas de conter à ses passagers l’histoire de la région vue d’en haut. « A ce titre, il n’y a pas plus Poitevin que moi ! »

Son visage se rembrunit à l’évocation du « terrible accident »qui a coûté la vie à son gendre, en juin 2018. « Il y a trop de moments pénibles dans la vie, il faut saisir tous les moments de bonheur ! », se reprend-il.  « Quand je serai vieux, d’ici vingt ans, je pourrai me lancer dans le bio : le Bio, c’est chez Vio. » La rime est tentante mais, à vrai dire, Silvio Vio préfère, comme souvent, s’en remet à ses ancêtres. Carpe Diem.

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