Transports gratuits : il y a débat

A Poitiers comme à Châtellerault, le développement du réseau de bus est un enjeu des Municipales des 15 et 22 mars. Tout comme la gratuité totale, en vigueur depuis deux ans à Dunkerque, avec des résultats probants, même si comparaison ne vaut pas toujours raison.

Arnault Varanne

Le7.info

Dunkerque, sous-préfecture du Nord. Depuis septembre 2018, la ville aux presque 90 000 habitants vit au rythme des transports publics gratuits. Sous l’impulsion du maire (PS) et président de la communauté urbaine Patrice Vergriete, le réseau a été entièrement libéré du frein tarifaire. Résultat : 85% de trafic en plus, de nouveaux usagers et un changement des comportements, selon une étude d’impact diffusée récemment. Chercheur en sciences politiques et président du comité scientifique de l’Observatoire des villes du transport gratuit, Maxime Huré salue « une réussite ». « L’amélioration de l’offre a été significative, mais elle s’est inscrite dans un projet plus global de redynamisation du centre-ville avec de vrais choix politiques à la clé. » Le chercheur pense notamment à l’abandon d’un projet d'Arena, qui a permis à l’exécutif de passer à la gratuité. « L’agglo s’est privée de 4,5M€ de recettes de billetterie par an (sur un budget de 45M€) et a consenti 10M€ d’investissements chaque année dans son réseau, sans augmenter le versement transports. »

Selon l’expert, trente-cinq villes françaises proposent aujourd’hui la gratuité totale et beaucoup d’autres une gratuité partielle. Et dans cette liste, Niort ferait presque figure d’exception. « C’est la seule qui n’a pas augmenté son offre en parallèle, remarque Maxime Huré, mais la fréquentation s’est tout de même accrue de 30%. » Ses prochains travaux de recherche le mèneront vers la ville de Luxembourg, qui passera à la gratuité totale de tous ses modes de transports au 1er mars. Et à Poitiers, alors ? Les avis divergent franchement sur l’opportunité. Avec une question légitime : comment compenser le manque à gagner de la billetterie, qui représente 20% du budget de Vitalis, et investir en même temps dans une offre de services élargie (plus de bus, plus souvent) ?  Equation compliquée !

Ce qu'ils proposent pour Poitiers... 

Alain Claeys
propose « des fréquences plus importantes sur les lignes structurantes », tout en conservant un bon niveau de services sur « les lignes secondaires ». Au-delà, le maire sortant veut « offrir des bus encore plus propres en multipliant les sources d’énergie : gaz en circuit court, hydrogène, électrique ».

Le Nouveau parti anticapitaliste (Manon Labaye) défend « la gratuité et l’extension du réseau de bus. Nous augmenterons la taxe sur le versement transports (payée par les entreprises) à 2% comme la loi nous y autorise. Cela nous fera gagner plusieurs millions d’euros. »

Poitiers collectif veut des « bus plus fréquents, plus fiables » et en plus grand nombre « pendant les vacances scolaires et la nuit », ainsi que sur les lignes les plus fréquentées (campus de Beaulieu et le centre-ville et Futuroscope-centre-ville). Léonore Moncond’huy et ses colistiers veulent, au-delà, « des bus plus adaptés aux réalités professionnelles des femmes salariées ».

Poitiers Autrement souhaite « développer une ligne 1 Rapid‘express à haute fréquence reliant l’hôpital à la gare en passant par le campus universitaire et le centre-ville ». Plus largement, Thierry Alquier appelle de ses vœux des « Assises de la Mobilité de Grand Poitiers pour tirer profit des nouvelles législations et répondre aux défis environnementaux, sociologiques et économiques ».

Osons 2020 est l’une des seules à vouloir « mettre en place la gratuité du transport public couplée à une extension du réseau, sans coût supplémentaire pour le contribuable ». La liste conduite par
Christiane Fraysse compte mettre à contribution les entreprises, en faisant passer le versement transports de 1,3% à 1,8%. Cette proposition s’ajoute à une autre : « l’augmentation de la fréquence et de l’offre de services des transports en commun du quotidien, tout en développant les parc-relais ».

Anthony Brottier se prononce en faveur de la gratuité des bus... les mercredis après-midi et samedis matin pour faciliter l’accès aux commerces du centre-ville. Pour le reste, le candidat LREM estime nécessaire de « connecter les quartiers entre eux en moins de quinze minutes, d’augmenter la fréquence des dessertes et de garantir le maintien d’un service de qualité pendant les vacances scolaires ».

Kévin Courtois (RN) : « Nous voulons revaloriser la place de la voiture dans la vie quotidienne et rendre leurs libertés à ceux qui décident de ne pas circuler dans les transports en commun. »

Ludovic Gaillard se prononce en faveur de la gratuité des transports en commun. « Il conviendrait même de multiplier le passage de ces transports et d’étendre leur maillage pour répondre aux besoins, notamment dans les quartiers populaires et dans les zones rurales de Grand Poitiers, indique le candidat de Lutte ouvrière. Pour financer cela, sans ponctionner un autre budget utile à la population, il faudra contraindre les grands patrons à prendre sur leurs profits, y compris sur leur fortune personnelle. C’est un combat à mener à l’échelle du pays. »

Et à Châtellerault... 
Dans la sous-préfecture de la Vienne, la gratuité totale des transports publics n’est pas un sujet. David Simon (LREM) entend d’abord « réaliser un audit (financier, fréquentation, horaires...) » du réseau actuel en le mettant en « relation avec les transports scolaires ». « Nous étudierons aussi la possibilité de mettre certaines lignes à certains moments en gratuité, par exemple le samedi, et regarderons la possibilité d’adapter le type de véhicule utilisé pour réduire nos coûts, notamment la baisse de bus de 50 places ». Françoise Méry (PS), elle, veut « expérimenter les transports gratuits pour les jeunes de moins de 21 ans et les demandeurs d’emploi », avant éventuellement de « voir si cette gratuité peut être étendue ». Elle préconise aussi une grande enquête pour « savoir ce qui ne va pas avec ce réseau de bus ». La gratuité, Marion Latus n’en veut pas car « elle n’existe pas ». « Je suis plutôt favorable à un tarif unique qui s’applique à tout le monde, indique la candidate du Rassemblement national. Je pense aussi qu’il faut revoir à la hausse le nombre de passages et les circuits. » Jean-Pierre Abelin juge lui aussi la gratuité « illusoire ». « On ne peut pas imaginer que les 53 membres (sur 81) du conseil communautaire qui ne bénéficient pas de ces transports collectifs acceptent de payer les 800 000€ d’impôt à trouver pour la gratuité des habitants de la ville centre. » Le maire centriste juge nécessaire de « réviser la politique tarifaire vis- à-vis de certains publics » et de « renforcer le soutien au transport solidaire existant ». Enfin, pour Didier Simonet, il est urgent de « revoir dans sa globalité l’offre de transport collectif. Nous n’avons pas d’obligation légale de réaliser un plan de déplacement urbain (territoire de moins de 100 0000 habitants), cependant il est urgent de faire un état des lieux et d’avoir un plan de déplacement conforme à la réalité d’un territoire de 47 communes depuis le 1er janvier 2017. Aujourd’hui les transports en commun ne desservent que huit communes de l’ancienne communauté de communes du pays Châtelleraudais. » Le chef de file d’Unis pour vivre heureux veut « une nouvelle offre de transport collectif totalement refondée en complémentarité avec le TER, les modes de déplacements doux, le covoiturage et le transport solidaire ».

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