Stéphane Deschamps, l’éternel garnement

Stéphane Deschamps. Poitevin de naissance, Strasbourgeois d’adoption. Enchaîne les livres sur les icônes de la chanson française, de Gainsbourg à Higelin en passant par Bashung. Metteur en ondes à Radio France. Vit exactement la vie dont il avait rêvé.

Arnault Varanne

Le7.info

Il sirote un coca à l’une des tables de la Serrurerie, à Poitiers. Bagouses tête de mort aux doigts et tatouages sur les bras, Stéphane Deschamps regarde la foule de ses souvenirs autant que les gens qui arpentent la rue des Grandes Ecoles. Le lendemain, il doit dédicacer Jacques Higelin l’enchanteur à quelques encablures de là. Sacré retour en grâce sur sa terre natale. « Quand je traverse la place d’Armes, il y a beaucoup de nostalgie. Les bars dans lesquels je traînais avec ma bande sont encore là ! » Au fond, l’enfant d’août 68 (le 3) ne vieillit pas. Il n’en a pas envie et veut « rester un éternel garnement », même si ses enfants le considèrent aujourd’hui « comme un vieux con ».  « Mais je les emm... » Sourire entendu.

De Paris à Strasbourg, où il officie comme responsable de l'Atelier de création du Grand Est de Radio France, Deschamps le rockeur sans instrument n’a pas oublié d’où il venait. Et pour cause, c’est dans sa chambre d’adolescent que tout a démarré. Que « trente secondes ont changé (m)a vie ». RTL diffuse Ecce Homo, l’un des morceaux de l’album Mauvaises nouvelles des étoiles, signé Serge Gainsbourg. Le fils (unique) de directeur des équipements sportifs et d’auxiliaire puéricultrice se demande « qui est ce mec provocateur ». Sa mère fait irruption dans la chambre, séduite à son tour par le « combo » excentrique des paroles et de la musique reggae. Son rejeton s’en étonne. « Je pensais que ma mère était plutôt Adamo et Sardou... » Ça y est, il a trouvé « son grand frère révolté ».

« Marqué au fer rouge par la radio »

Extatique, Stéphane Deschamps délaisse ses rêves de pilote d’hélico et de rock star. Terminés les solos de guitare devant la glace pour imiter le chanteur des Credence. Terminé aussi le foot au Stade poitevin, à cause d’une sale maladie de croissance. Faute de sport et histoire de tuer le temps, l’ado pousse la porte du studio de Radio Poitiers Ouest Forum. C’est l’époque dorée des ondes libres. « Marqué au fer rouge », il passe beaucoup de temps derrière le micro à diffuser des disques et réaliser des parodies d’émissions. « Pour faire marrer les copains », jure-t-il. La musique et la radio. Les deux moteurs de son existence.

« Avec Serge Gainsbourg, j’ai trouvé mon grand frère révolté »

Objecteur de conscience, le jeune Poitevin met à profit son temps libre pour produire cinquante émissions de radio sur... Gainsbourg. Son Portrait d’un faux méchant passe les frontières de la Vienne et lui permet de côtoyer des figures du tout-Paris musical. Dont Gilles Verlant. Le biographe officiel de l’homme à la tête de chou deviendra son « pygmalion ». L’animateur de France Bleu Auxerre –« je n’étais pas bon, ils m’ont pris parce que j’avais joué au foot ! », dit-il- puis Laval « hallucine » le jour où Verlant lui propose de co-écrire la biographie définitive de Gainsbourg. « Je ne réalisais pas... » Quatre ans de boulot et « des rencontres incroyables » l’ont définitivement plongé dans le bain du rock français.

Il prépare un roman

A son actif, Deschamps l’auteur -il a longtemps été délégué à la musique de France Bleu- compte aujourd’hui une dizaine d’ouvrages sur Garou, Florent Pagny, Bashung, Higelin dernièrement... Le producteur de La scandaleuse histoire du rock a même signé chez Hors Collection pour un nouveau pavé sur Balavoine. Autant d’artistes qui ont en commun « un charisme XXL et l’amour des mots ». Et Johnny là-dedans, avec lequel le Poitevin partage une passion dingue pour les Harley-Davidson ? Là encore, quelques secondes d’un rêve un peu fou ont débouché sur une publication. Avec l’auteur de Frank Margerin (Lucien...) s’il vous plaît. « Encore l’une de mes idoles de jeunesse ! » Paroles de Johnny a vu le jour en 2017, quelques semaines avant la disparition du Taulier.

Quand il regarde dans le rétro, Stéphane Deschamps éprouve le sentiment d’avoir « vécu plusieurs vies », en partant de pas grand-chose, soit un bac D. Ses fonctions à Radio France l’ont amené à côtoyer les plus grands, y compris les Stones. La rencontre aurait dû se dérouler à Barcelone, sous la forme d’une conférence de presse ultra-select. Mais en 2006, Keith Richard est tombé d’un cocotier... Rencontre et tournée annulées. C’est au Stade de France que le producteur a finalement approché ses icônes, à l’issue d’une longue attente qu’il raconte avec délice.

Dans sa voix, aucune lassitude et une énergie intacte. Ah si, un seul regret : ne jamais s’être frotté à un instrument. « J’aurais pu jouer du piano... » A défaut d’aligner les notes, il manie les mots avec un œil d’esthète et une oreille musicale. Le biographe des stars, soucieux de « respecter l’œuvre des artistes », prépare un premier roman. « Un rêve d’écriture... », reconnaît le fan de Vian, Beigbeder ou Rey. Des anticonformistes. Parole de jeune garnement.

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