Pierre Thevenoux, professionnel de la vanne

Pierre Thevenoux. 31 ans. Né à Poitiers. Parcours professionnel atypique. Humoriste à plein temps. Se produit depuis un an sur la scène du Point Virgule, à Paris. Incrédule, savoure sa « chance » de gagner sa vie en faisant rire le public.

Steve Henot

Le7.info

C'est plus fort que lui. Attablé à la terrasse d'un café parisien, Pierre Thevenoux ne rate jamais l'occasion de glisser un bon mot ou une blague. Avec beaucoup d'autodérision. « J'ai toujours été le blaireau qui fait des vannes, ce gros lourd qui prend un peu trop de place dans un groupe », confie assez rapidement le gaillard. Comme un début d'explication à sa carrière d'humoriste...

Il réalise à peine. Faire rire est pourtant son métier. Et à en croire son parcours, il se débrouille très bien. Passé par le Jamel Comedy Club (lors de la 9e saison) et sélectionné par Le Parisien parmi les Etoiles espoir de l'humour fin 2019, Pierre Thevenoux joue depuis un an son spectacle -Pierre Thevenoux est marrant, normalement- au Point Virgule, à Paris. Lieu d'où ont émergé de nombreux talents tels Pierre Palmade, Alex Lutz ou encore Bérengère Krief. Il remplit la salle chaque soir depuis la réouverture en juillet. Pas mal pour un « mec de province, issu de la classe moyenne », qui a découvert la scène il y a seulement cinq ans en prenant des cours de stand-up. Il ne lui manque que d'avoir joué à Poitiers, où il est né il y a 31 ans.

Un drôle de CV

« C'est à force de faire des plateaux que je suis devenu passionné. Je savoure car, pour un gars comme moi, travailer dans ce milieu ne semblait pas envisageable, explique ce blagueur compulsif. Mon plus gros kiff, c'est de trouver une nouvelle vanne. J'ai l'impression d'avoir cracké un escape game ! » Son côté « gentil beauf » assumé et sa fraîcheur ont séduit l'exigeante Antoinette Colin. « Sa première audition, ce n'était pas bon. Je l'ai revu un peu plus tard et là, j'ai eu le coup de cœur, confie la directrice artistique du Point Virgule. Pierre est quelqu'un avec qui il est facile de collaborer, de très enfantin dans l'approche de son métier. Il aime ça et s'étonne tous les jours d'être sur scène. Et c'est quelqu'un qui remercie, ce qui est rare dans ce milieu. »

Titulaire d'un master en management international, le Poitevin a pas mal bourlingué avant de prendre le micro, seul face au public. Longtemps il a accepté toutes les missions d'intérim qui se présentaient à lui, rarement avec passion. Récolte du melon dans le Nord-Vienne, conseiller clientèle à Aquitel, traducteur sur le chantier de la LGV, videur de poissons à La Rochelle... Et même, Père Noël au cirque Octave singulier, à Poitiers ! « Peut-être le meilleur job de ma vie, sourit-il. J'étais le responsable des barbes à papa ! Là-bas, tu fais 20 000 trucs dans la journée, c'était cool. » Pierre a aussi beaucoup voyagé durant ses études -en Espagne, au Mexique, au Cambodge- avant de s'installer à Paris, où il a créé une start-up de conciergerie en ligne. « J'ai l'impression d'avoir plus de 40 ans ! », plaisante celui qui se présente comme un « hyperactif », à l'énumération de ses expériences.

« Je n'ai rien à apprendre au public »

Aussi atypique que prolifique, son CV nourrit en partie son spectacle, lequel évolue au fil des représentations. « C'est un travail que je commence à développer, car j'ai connu la vraie vie active, celle où tu pars au boulot avec la boule au ventre, quand tu n'as pas envie d'aller bosser... Ca m'inspire car on a tous le même truc, ce plaisir de tirer sur le patron », glisse-t-il, avec malice. L'ancien élève de Pablo-Neruda et du collège Ronsard parle surtout de tout ce qui l'entoure, de ces thématiques qui touchent tout un chacun. La famille, la vie de couple, les origines (sociales comme ethniques), l'argent... Et l'inévitable Covid-19. Son sketch sur la deuxième vague et les soignants, inspiré par les récits de « potes » travaillant dans le médical, a rencontré un certain succès sur YouTube. « Je ne cherche pas à choquer mais je ne m'interdis rien. Je fais ce qui m'inspire. Si ça doit être sur les coussinets des chats, c'est sur les coussinets des chats ! Je ne veux surtout pas être moralisateur, je n'ai rien à apprendre au public », estime ce fan de Bill Bur et Dave Chapelle.

D'autres projets d'écriture

Une fois sur scène, il oublie le contexte sanitaire qui pèse pourtant sur le milieu du spectacle.  « C'était bizarre les trois, quatre premières fois, mais tu t'y fais, tu ne vois plus les masques. Enfin si, tu les vois, mais tu n'y fais plus attention ! » Pierre reconnaît tout de même s'être posé des questions, durant le confinement. « J'ai tout misé sur la scène depuis deux ans. La pandémie m'a fait me dire que l'activité pourrait être menacée. » C'est pourquoi il s'est lancé dans d'autres projets d'écriture, « toujours dans la blague ». Pour d'autres humoristes, pour la publicité ou encore la télévision... « Quand on dit ça, on sait qu'il n'y a qu'un projet sur dix qui va se réaliser ! » Lui qui travaillait seul depuis ses débuts, (re)découvre le plaisir de des collaborations. « Ca m'a rappelé le sport », souligne l'ancien basketteur de l'ASPTT Poitiers. De là à l'imaginer s'entourer d'un producteur... « J'ai un peu peur de m'engager, je suis en réflexion. Je commence à avoir besoin de soutien et comme Thomas, je souffre de phobie administrative (*). On n'est pourtant pas de la même famille ! » Toujours le mot pour rire, qu'on vous dit !

(*) Thomas Thévenoud, secrétaire d'Etat chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger sous François Hollande avait invoqué sa « phobie administrative » pour ne pas avoir déclaré ses revenus ni payé ses impôts pendant plusieurs années.

DR

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