Dix ans après les faits survenus à Poitiers(*), le « violeur au tournevis » a été mis en examen hier pour tentative de meurtre accompagnée ou suivie d’un autre crime et de viol. Un épilogue rendu possible par la généalogie génétique. Entretien avec Alice David, cheffe du service interdépartemental de la police judiciaire.
Pouvez-vous retracer la chronologie des faits depuis ce fameux 23 juin 2015 et le viol et la tentative de meurtre d’une femme à Poitiers ?
« Les enquêteurs de la police judiciaire de Poitiers ont réalisé des enquêtes de voisinage, un portrait-robot, fait des recoupements de toutes les données qu'on avait, notamment avec la téléphonie, auditionné des suspects... Nous avons auditionné des suspects sur lesquels de l’ADN était prélevé. Malgré l’exhaustivité des enquêtes, elles n’ont pas permis de remonter à l’auteur des faits. En 2019, l’OCRVP a été co-saisi du dossier en faisant un travail de recoupement. »
Pour quelles raisons l’ADN n’a-t-il pas parlé avant ?
« L’OCRVP a réalisé des centaines de recoupements sur des suspects potentiels, mais aucune ce des personnes n’était l’auteur et ça ne matchait pas avec le profil génétique prélevé sur la scène de crime. »
Le pôle cold cases de Nanterre s’est saisi de l’affaire en 2022. Qu’est-ce qui a contribué à la résoudre précisément cette année ?
« Nous avons repris les investigations et exploré la dernière piste possible. L’OCRVP a fait en sorte de travailler avec le FBI, dans le cadre d’une commission rogatoire, qui est à la pointe sur la généalogie génétique plus utilisé aux Etats-Unis. Cette technique permet d’étudier tous les profils compris dans les bases américaines pour les comparer avec l’ADN du suspect. Cela permet de voir s’il y a des liens de parenté. Nous avons eu un retour positif des Américains qui nous ont fournis l’identité d’une personne assez proche du mis en cause. En France, le recours au fichier national des empreintes génétiques est encadré par la loi. »
Combien d’affaires ont-elles déjà été résolues de cette manière ?
« En France, c’est seulement la deuxième affaire résolue grâce à la généalogie génétique. Il faut dire que la qualité des prélèvements réalisés à l’époque a été déterminante. Les enquêteurs de la police judiciaire n’ont jamais lâché. C'est une grande satisfaction pour nous. Les enquêteurs ont interpellé l'auteur présumé dans une commune d’Indre-et-Loire avec émotion. On a aussi la chance d'avoir une victime qui est vivante, elle a été prévenue par la magistrate de l'interpellation de l'auteur présumé. Pour elle, c'est bien sûr à la fois un soulagement, mais aussi un choc quand on se projette sur le procès qui pourrait avoir lieu plus tard. »
(*)La jeune joggeuse, âgée de 25 ans à l’époque, avait été violée puis son agresseur lui avait asséné un coup de tournevis et de casque avant de prendre la fuite. Les faits s’étaient déroulés le 23 juin 2015, chemin du Sémaphore, à Poitiers. Le suspect, mis en examen hier, pourrait être jugé par la cour d’assises des mineurs (il avait 17 ans à l’époque) et encourt une peine de trente ans.