Pierre Corbi : « Tout le monde est fatigué »

Nouveau président de la Commission médicale d’établissement (CME) du CHU de Poitiers, pour quatre ans, le Pr Pierre Corbi se sait attendu, surtout à l’heure de la Covid-19 et du rapprochement avec le Groupement hospitalier Nord-Vienne.

Arnault Varanne

Le7.info

Pourquoi avez-vous choisi de briguer ce poste dans un contexte si particulier ?
« Je suis un chirurgien (cardiaque) dans l’âme, mais j’ai toujours aimé la représentation transversale et la conduite des projets. Là, avec la Commission médicale d’établissement, on grimpe d’un étage. On est aux côtés des directions pour conduire le projet médical d’établissement, le squelette d’un CHU. »

Justement, ce projet est-il contrarié par l’épidémie de Covid-19 ?
« Sa mise en place a démarré en 2019, nous sommes donc à mi-chemin. Le projet comprend des projets structurels (agrandissement des urgences et de la biologie médicale, du Pôle régional de cancérologie, ndlr) et sociaux. Beaucoup de choses sont en cours ou réalisées et nous réfléchissons déjà aux principaux axes du prochain. »

Vous pointez deux faiblesses du CHU : le nombre de publications et l’attractivité. Comment y remédier ?
« Sur l’attractivité, on ne peut pas être aussi affirmatif. Concernant la cardiologie, par exemple, on a plus de mal à recruter localement qu’à Paris. Cela dit, c’est vrai qu’il faut que nous sortions de l’image du CHU qui manque un peu de dynamisme sur la recherche. Cela passe par l’environnement de travail et les publications. On est dans le bas du classement depuis une vingtaine d’années. Un jeune qui veut faire carrière ici doit pouvoir se faire connaître par ses publications dans des titres scientifiques. »

Trois CHU dans une région comme la Nouvelle-Aquitaine, est-ce viable ?
« La question est de savoir s’il faut suivre le rapport Attali et concentrer les équipements dans une quinzaine de villes ? A une époque où il y a un retour sur les villes moyennes, une dénonciation des déserts médicaux et un besoin de proximité, ce ne serait pas raisonnable. Concurrence ou complémentarité avec Limoges et Bordeaux ? Les deux(*). »

« Il faut savoir dire quand on ne sait pas »

Le rapprochement avec le Groupement hospitalier du Nord-Vienne a donné une autre dimension au CHU depuis le 1er janvier. Vous « régnez » sur 700 médecins. Là aussi se pose la question de la proximité, non ?
« Rassurer, c’est un effort de tous les jours. Mon vice-président, Philippe Minet, est un pharmacien du site de Châtellerault, c’est essentiel. Une grande partie de la communauté hospitalière, médicale et paramédicale exprime encore une défiance, ce qui peut être gênant en cas de crise. La fusion a été votée, mais on est sous surveillance. On peut cultiver la diversité avec une certaine concentration. On ne pourra pas tout faire partout. »

Un an après le début de la crise sanitaire, quel est le moral des personnels hospitaliers ?
« Tout le monde est fatigué. La Covid-19 amène une tension permanente, même s’il ne faut pas que nous nous plaignions. Nous sommes l’une des régions les moins atteintes. Mais au quotidien, toutes nos pratiques ont changé, les patients n’ont pas de visite... Et on n’a pas de référentiel ni de point de sortie. Malgré tout, la vie continue. »

La parole médicale est un peu démonétisée aux yeux du grand public, avec des polémiques permanentes sur les chaînes d’information en continu. Votre sentiment ?
« Ici, nous n’avons pas de représentant de CNews ni de médecins de plateaux télé ! Ceux qui restent dans leur rôle, c’est très bien. Il faut savoir dire quand on ne sait pas. »

(*)Une structure de coopération entre les CHU de Poitiers, Limoges et Bordeaux va voir le jour dans les semaines à venir. Elle s’appellera Nova.

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