A Poitiers, le plein essor du CBD

Trois ans après la perquisition et la fermeture d’une première boutique de chanvre, le centre-ville de Poitiers compte aujourd’hui huit « CBD shop ». Ces commerces surfent sur un effet de mode et profitent surtout d’une législation encore assez floue.

Steve Henot

Le7.info

En centre-ville, la concurrence devient rude sur ce créneau. Depuis la fin de l’année dernière, pas moins de huit boutiques spécialisées dans les produits à base de « CBD » ont ouvert à Poitiers. Et elles fleurissent à ce même rythme un peu partout en France. « C’est à la mode, comme au début des boutiques de cigarettes électroniques », observe Jérémy Sagnier, gérant du Bistrot à Graines 86, qui compte aussi ouvrir une boutique à Châtellerault.


Le CBD, pour cannabidiol, est une molécule que l’on trouve dans le cannabis ou le chanvre. Certains se sont lancés dans sa commercialisation, en huiles, infusions ou fleurs, après en avoir eux-mêmes découvert les bienfaits. Apaisement de la douleur, de l’anxiété ou encore fluidifiant sanguin… « J’ai commencé à en consommer après une fracture de la cheville, je me suis alors aperçu qu’elle avait de nombreuses vertus sur le côté bien-être », confie Florian Salort, qui a ouvert O CBD Shop il y a un mois. Pour autant, le CBD n’a rien du produit miracle. « Il ne soigne pas, il soulage », s’empresse de préciser Jérémy Sagnier.


La vente autorisée par le droit européen

Ces arguments attirent aujourd’hui la curiosité d’une large clientèle, « de 20 à 60 ans ». Chaque magasin revendique une bonne fréquentation depuis l’ouverture. « Ça veut dire que les gens en ont besoin », estime Florian Salort. Un constat que certains refusent de lier à la crise sanitaire, source de stress intense ces derniers mois. « On voit aussi d’anciens fumeurs de cannabis qui cherchent un substitut pour se détacher du THC », explique Louis Quilichini, cofondateur de MyChanvre. Le THC étant la molécule psychotrope du cannabis, qui peut engendrer une dépendance physique. Le Dr Wilfried Serra a, lui aussi, observé ce type de profils parmi ses patients. « Ils prennent du CBD avant tout pour diminuer les risques pénaux, indique le psychiatre addictologue du CSAPA au CH Henri-Laborit. Mais si on le fume, le risque pulmonaire est là. Il faut encore en évaluer l’intérêt comme relais de substitution, mais il n’y a aucune indication thérapeutique pour le CBD. En faire un argument de vente, c’est pénalement répréhensible. »


La fermeture fracassante de la première boutique spécialisée, en 2018 à Poitiers(*), n’a pas gêné les projets d’ouverture. Et pour cause, la Cour de justice européenne a jugé en novembre (affaire Kanavape) que la France n’avait pas le droit d’interdire la vente du CBD provenant d’un pays de l’espace européen -souvent de la Suisse-, à moins d’en démontrer sa nocivité. En clair, la vente de produits transformés du CBD est désormais autorisée en France, mais pas sa production. C’est en revanche moins clair concernant la fleur de CBD, à faible teneur en THC (sa concentration ne doit pas dépasser 0,2%). A ce flou juridique persistant, certains répondent par le « sérieux » de leur projet. « On voulait casser l’image du cannabis, sa fleur n’apparaissant sur aucun de nos packagings, énonce Louis Quilichini. On mise sur un chanvre éthique et responsable, on a un laboratoire cuisine, on est soumis à des normes d’hygiène alimentaire HACCP… » Le jeune co-gérant, conscient de certaines « dérives » dans le milieu, insiste toutefois : « Il ne faut surtout pas banaliser le THC. »

(*)Son gérant a été de nouveau condamné en appel, courant février, notamment pour « usage et détention non autorisés de produits stupéfiants ».

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