Ibrahim Maalouf, artiste atypique

Trompettiste de renom, Ibrahim Maalouf se produit samedi à l’Arena Futuroscope, à l’occasion de la tournée Capacity to Love. L’album, au message plus que jamais d’actualité, traduit l’engagement du musicien pour la paix et la transmission.

Eva Proust

Le7.info

Vous parrainez chaque année plusieurs établissements d’enseignement musical. Pour quelles raisons ?

« Ça fait partie de mon travail d’être ambassadeur de ce que la musique peut apporter de bon dans notre société. Lorsque j’ai arrêté mes études de musique, transmettre était pour moi la meilleure manière de continuer à apprendre. L’année dernière, j’ai parrainé la section sciences et techniques du théâtre, de la musique et de la danse au lycée Victor-Hugo de Poitiers. Ce sont parfois les élèves, parfois les professeurs qui me font la demande. Je suis aussi parrain de toutes les classes orchestre dans les écoles. »

Avez-vous eu, vous aussi, des tuteurs, des modèles qui ont inspiré votre parcours ?

« Justement, je n’ai pas eu de référence dans ma jeunesse, c’est ce qui me pousse à l’être pour les jeunes. Mais je baignais déjà dedans, mes parents étaient professeurs de musique. Mon père trompettiste, ma mère pianiste. L’enseignement, la transmission, c’est notre culture familiale et c’est aussi propre à la culture libanaise. Mes rencontres ont toujours été ponctuelles. J’ai eu le plaisir de croiser Maurice André dont mon père a été l’élève, Quincy Jones, Sting, Matthieu Chedid, qui m’ont à chaque fois soutenu dans ma carrière. »

Quand avez-vous pensé à faire le conservatoire de Paris ?

« Adolescent, j’étais fan de rap dans un lycée de la banlieue parisienne. La musique classique, c’était le délire de mes parents. Finalement, ils m’ont poussé vers ce parcours atypique et j’ai fini nommé au conservatoire de Paris. C’est presque une évidence parce qu’eux-mêmes sont atypiques. On a quitté le Liban en pleine guerre civile. Il fallait tracer son chemin dans un monde qui ne nous ressemblait pas. Ils ne se doutaient pas que le conflit durerait dix-sept ans... Il a bien fallu être scolarisé. Alors, vers mes 6 ans, ils ont choisi de rester en France. »

Comment décririez-vous votre nouvel album, Capacity to Love ?

« Est-on capable d’aimer les autres lorsqu’ils sont différents ? Je médite là-dessus depuis des années. Il y a de plus en plus d’intolérance, d’ignorance. Avec cet album, je sors de ma zone de confort musicale pour transmettre ce que j’ai à dire. Il est approprié, à regret, aux événements de notre époque. J’aurais préféré que parler d’amour et d’acceptation soit ringard. »

Des concerts qui vous ont marqué ?

« Il y a eu des concerts très symboliques. La réouverture du Bataclan avec Sting, un moment d’émotion inégalable. Je me souviens aussi de mon premier Bercy, c’était incroyable qu’un trompettiste de jazz comme moi fasse complet... J’étais censé chanter dans des clubs ! »

Que dites-vous aux jeune qui se rêvent musiciens ?

« Je crois qu’être un exemple est une bonne chose dans mon cas. C’est important que des jeunes des quartiers, des banlieues, voient que c’est possible. J’ai produit 17 albums en indépendant, on me disait que ma musique ne fonctionnerait pas alors j’ai créé mon propre label. Parmi les musiciens qui m’accompagnent, il y a un jeune, Nizar. Quand je l’ai rencontré, il m’a dit qu’il venait me voir depuis ses 7 ans, voulait devenir comme moi. Et là, il vient lui aussi d’entrer au conservatoire de Paris. On sous-estime la dose de travail qu’il faut à ces jeunes pour percer, se faire une place dans le monde de la musique. Je suis très fier de nos périples et je veux partager cette valeur de l’effort, de la persévérance. »

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