Don du sang : hétéros et homos, tous égaux ?

Un amendement de la loi bioéthique voté en juin abolit le délai de quatre mois d’abstinence imposé depuis 2020 aux hommes homosexuels souhaitant donner leur sang. Pas tout à fait la fin d’une discrimination...

Claire Brugier

Le7.info

1983. La loi interdit aux hommes homosexuels de donner leur sang. Selon l’Institut de veille sanitaire, le nombre de personnes contaminées par le VIH est alors 65 fois plus élevé chez les gays que chez les hétérosexuels. 2016. La loi autorise les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) à donner leur sang sous condition d’une abstinence d’un an. 2020. Le délai est réduit à quatre mois. 2021. Un amendement de la loi bioéthique, voté en juin, prévoit l’abolition complète de ce délai à partir de janvier prochain. En d’autres termes, plus besoin de choisir entre faire l’amour et donner son sang. De là à parler d’égalité dans les faits…

« On a salué l’amendement. Mais encore faut-il qu’un arrêté ministériel en fixe l’exécution, lance Frédéric Pecharman. Il ne faudrait pas qu’au ministère on se dise, ça y est, on n’en parle plus, le dossier est clos ! » Le coordinateur du collectif Homodonneur attend plus qu’une signature pour refermer le débat. « On risque d’être confronté à des questions très intrusives lors de l’entretien pré-don. Nous voulons pouvoir donner en générosité et en responsabilité. Seule la question sur la monogamie serait légitime. » Et égalitaire.

Dépistage systématique

« Il faut amener les choses d’une autre façon, convient Angelo de Jesus Lucas, délégué régional d’Aides, en s’appuyant sur des raisons purement sanitaires et non en fonction de l’orientation sexuelle des personnes. Ce qui prime, c’est la sécurité des receveurs. »

Ces dernières années, le risque résiduel de contamination au VIH n’a cessé de baisser. Il est estimé à une contamination tous les 6,3 millions de dons chez les hétérosexuels et tous les 4 millions chez les HSH. « La dernière contamination par transfusion sanguine remonte à 2002 », rappelle Frédéric Pecharman. Pour lui, ces chiffres ne doivent toutefois pas servir de justificatif car « de toute façon, le risque résiduel ne sera jamais nul ». Surtout, chaque don de sang fait l’objet d’un contrôle systématique. Grâce à la technique du dépistage du génome viral (2001), la « fenêtre silencieuse »
du VIH est aujourd’hui de neuf jours. Elle est donc tout à fait compatible avec la durée de conservation des globules rouges, de quarante-deux jours.

Parallèlement, cette « date de péremption » contraint à des collectes régulières. Or, les dons sont en baisse. En Nouvelle-Aquitaine, ils sont passés de 15 693 en 2019 à 14 722 en 2020, soit une baisse de 6% déjà perceptible au premier semestre 2021. « A cela s’ajoute une grosse baisse des nouveaux donneurs, qui sont l’avenir, déplore Sandrine Couic, chargée de promotion à l’Etablissement français du sang (EFS), site de Poitiers. Entre 2019 et 2020, on en a eu près de 300 en moins. » De son côté, à l’échelle nationale, le collectif Homodonneur estime à 25 000 le nombre de HSH donneurs de sang potentiels et réaffirme sa devise : « Chaque bras compte ». En moyenne, un donneur donne 1,8 poche de sang par an.

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