Violences faites aux femmes : « J’étais sous son emprise »

Pendant des années, Marie(*) a subi les violences de son ex-mari puis d’un autre compagnon. Accompagnée et hébergée par l'association Audacia, à Poitiers, la quadragénaire se reconstruit. Son témoignage est une étape, voici son récit.

Steve Henot

Le7.info

« J’ai vécu dix-sept ans avec mon ex-mari, en région parisienne. Les premières années, tout se passait bien, comme toute relation qui commence. Puis les violences ont commencé par des petits mots, comme « Tu sers à rien », « Tu ne vaux rien »… Sans cesse pour me rabaisser. Sont ensuite venus les coups. Je ne me sentais pas capable de répondre à ces violences. Plusieurs fois, j’ai fait appel aux policiers, qui n’ont jamais montré d’écoute par rapport à tout ça. Quand on arrive au commissariat et que l’on vous dit : « Qu’avez-vous fait pour en arriver là ? », on est bloqué en fait. Je n’avais absolument rien fait. Être devant un policier, c’est déjà impressionnant pour une femme battue. Le policier nous stresse, on n’arrive pas à parler. Un soir, j’avais fait à manger à mon ex-mari, ça ne lui a pas plu et il m’a mise la tête dans le plat. Heureusement, ce n’était pas quelque chose de très chaud. Quand j’ai expliqué ça au policier, il m’a répondu : « Ce sont des choses de la vie qui arrivent ». Il n’a même pas pris une plainte, j’ai été obligée de rentrer chez moi. J’étais enceinte de quatre mois.

J’ai aussi rencontré des assistantes sociales qui n’étaient pas à l’écoute, je me sentais seule. J’avais demandé de l’aide à mes frères, mais j’avais l’impression qu’il fallait toujours leur ramener des preuves. Mon ex-mari n’était pas quelqu’un qui tapait souvent au niveau du visage, il ne laissait pas de traces visibles. En public, il passait pour quelqu’un d’extraordinaire. Un jour, j’ai montré un énorme bleu que j’avais au niveau de la poitrine à une assistante sociale, elle pensait que je m’étais cognée contre un meuble… Ce qu’elle m’a dit, j’ai fini par me le répéter et m’en convaincre. Au total, je suis allée voir les policiers vingt à trente fois, ça a toujours été la même chose. Pour moi, mon ex-mari devait avoir des problèmes avec ses maîtresses et par vengeance, il s’en prenait à moi. J’ai toujours voulu partir mais je n’y arrivais pas. J’étais tellement sous son emprise que je ne savais pas comment m’en sortir. Il finissait par s’excuser, alors je restais. J’ai fait trois fausses couches sous ses coups. A la suite de ma plainte, il a fait un peu de prison. Il m’a quand même descendue de quatre étages par les cheveux… C’est là que j’ai pris la décision de le quitter. Ce qui me révolte beaucoup aujourd’hui, c’est l’absence d’écoute face à cette situation.

Quand je suis arrivée à Châtellerault, j’ai rencontré quelqu’un d’autre en pensant que j’allais pouvoir refaire ma vie. Mais je suis tombée dans le même système d’emprise. Quand je partais chercher une baguette, il me suivait… Je ne pouvais pas bouger, j’étais enfermée. Je suis donc allée voir une assistante sociale qui m’a écoutée et m’a mise dans un studio d’urgence. Il a quand même découvert ma nouvelle adresse. En 2013, pendant que j’étais en train de faire mon ménage, j’entends toutes les vitres de l’appartement se briser et j’ai pris peur parce qu’il y avait du sang partout. C’était lui. Les policiers sont venus, l’un d’eux m’a dit : « Vous allez me faire le plaisir de ramasser tout ça. » Le CCAS de Châtellerault (propriétaire de l’appartement, ndlr) a porté plainte. L’assistante sociale a alors contacté Audacia, qui m’a mise dans un autre appartement. (…) Puis j’ai quitté Audacia pour aller à Loudun, où j’étais un peu apaisée. Mais il a encore fini par me retrouver. J’ai déposé une nouvelle main courante. Mon avocat a été obligé de venir avec moi pour qu’un policier accepte de prendre ma plainte. J’étais dans un état… Je recevais 150 appels par jour, des menaces de mort. Ce monsieur se croyait tout-puissant. Je l’ai revu une fois aux Trois-Cités, à Poitiers, il avait voulu s’approcher mais n’était pas allé plus loin. J’ai voulu quitter l’appartement car je me suis dit qu’il m’avait encore suivie.

Avec Audacia, j’essaye de me relever, de dire les choses pour qu’enfin quelqu’un comprenne ma situation. Je pense à moi. J’ai quand même la conscience de me dire que tous les hommes ne sont pas comme ça. C’est important pour moi. Et si je peux aider les femmes à parler… J’estime qu’on a le droit à être bien dans sa vie, je commence à le réaliser. Se raconter à l’écrit permet de se vider. C’est une chance pour moi de transmettre ça. »

(*) Prénom d’emprunt.

Audacia, un accompagnement psycho-social
Audacia est une association d’entraide aux plus démunis, qui existe depuis 1963 à Poitiers (anciennement sous le nom d’Entraide sociale poitevine). Les pôles « famille enfance » et « personne isolée » prennent en charge les femmes victimes de violences conjugales, en leur proposant en premier lieu une solution d’hébergement sécurisante. Ils peuvent ensuite les accompagner dans un projet de réinsertion sociale ainsi que dans leur parcours de soins, en les orientant notamment vers le centre de psycho-traumatologie du Centre hospitalier Henri-Laborit. Contact : 05 49 03 18 56.

 

DR

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