
Aujourd'hui
La défense du patrimoine local aiguise, depuis des lustres, la lame de sa détermination. Les autorités le savent fort en gueule, le tout- Poitiers le découvre tenace et belliqueux. Arnaud Clairand ne renie pourtant rien de ses montées au créneau. « Dès lors qu’elles sont fondées… » Pour le numismate professionnel, amoureux de l’histoire, des pierres et des hommes, la lutte contre l’injustice est un dard. Celle dont est, selon lui, victime l’église Saint-Hilaire mérite, plus que tout autre, que glaive et bouclier soient brandis. A l’origine de son courroux, un permis délivré, en septembre 2008, pour la construction d’un immeuble d’habitation de 14 mètres de haut sur l’emplacement d’un réfectoire médiéval de Saint-Hilaire. « Les travaux entrepris ont totalement dénaturé le lieu, explique-t-il. Pire, plusieurs parties ont été détruites. » Parmi elles, « des contreforts extérieurs du XIIe, une arche du XIe et même une baie pré-romane datant du Xe siècle, aujourd’hui récluse derrière un pilier et un mur de béton. »
L’Unesco mène l’enquête
La préfecture a assuré à Arnaud Clairand que ce dernier vestige serait prochainement mis en valeur. Pour le reste, il ne voit rien venir. « L’autorisation de construction a été délivrée en toute impunité, peste-t-il. En juin 2009, contestant la validité des travaux, j’ai adressé un rapport d’une centaine de pages à l’Unesco. Surprise : ce dernier n’avait même pas été prévenu encore moins consulté. » L’aménagement du seul site architectural poitevin classé au Patrimoine mondial de l’Humanité (c’était en 1998) aurait donc échappé à l’avis de la référence suprême. Inconcevable ! « Le dossier a été confié au Conseil international des monuments et des sites, poursuit Arnaud Clairand. Deux experts ont été chargés de mener une enquête sur les détériorations subies par Saint-Hilaire. »
Le permis annulé ?
D’ici à la fin de l’année, ces experts devraient rendre leur verdict. Que peut-on en attendre ? « S’il est établi que ces travaux n’ont pas été effectués dans les règles, c’est-à-dire dans le respect du site, une annulation du permis de construire et la démolition de l’immeuble incriminé peuvent être commandées. En ce sens, l’Unesco peut avoir son influence. » Le « Croisé » Clairand va plus loin. « Il faut que toute la lumière soit faite sur cette affaire et que les erreurs commises soient réparées. » Si elles ne l’étaient pas, Poitiers et Saint- Hilaire risqueraient même de perdre leur classement au Patrimoine mondial. « Dans l’histoire de l’Unesco, ce n’est arrivé qu’à deux reprises, en Arabie Saoudite et en Allemagne, pour des vestiges en partie détruits… par des travaux. » Cette extrémité-là, ni Arnaud Clairand ni Poitiers l’historique ne sauraient l’envisager. (*) consultée par notre rédaction, la Mairie n’a pas souhaité réagir sur ce dossier, se réservant « le droit de le faire ultérieurement . »
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