Le laser pointé du doigt

Mi-janvier, un adolescent limougeaud a eu la rétine brûlée par le faisceau d’un pointeur laser. Alors que l’usage des spécimens les plus puissants fait tourner l’Amérique en bourrique, la France découvre le phénomène. Faut-il s’en inquiéter ?

Nicolas Boursier

Le7.info

Nom de code GP1007. Descriptif : «Pointeur laser vert, livré avec quatre têtes interchangeables». Spécificités : «Vous pouvez l’utiliser de manière habituelle, en projetant un point, et également visser une des têtes pour projeter de très beaux schémas qui rappellent un champ d’étoiles.»

A première vue, l’annonce du site Internet apinex.com est inoffensive. Tout autant que le « joujou » dont elle vante les mérites. Pas plus gros qu’un stylo, le fameux GP1007 s’affiche à 30,75€. Il serait, dit-on, l’un des compagnons préférés des astronomes en culottes courtes. Ainsi que de tous ceux qui souhaitent donner des couleurs à leur vie.
 
Axel est de ceux-là. Sauf que sa vie à lui a basculé. Un soir de janvier, ce jeune banlieusard limougeaud de 13 ans a voulu faire partager sa passion pour l’espace à un camarade. « Son père lui avait offert ce fameux laser quelque  temps auparavant, rappelle Sandrine, sa maman. Il m’a dit qu’en jouant, il avait dirigé le faisceau vers la fenêtre et avait ressenti une vive douleur à l’oeil droit. »

La nuit passa. Au matin, Axel avait une grosse tache noire sur son champ de vision. Direction les urgences du CHU de Limoges. « Là, le premier diagnostic est tombé, poursuit Sandrine. Mon fils n’avait plus que deux dixièmes à l’oeil. On lui a alors conseillé le plus grand repos. » Un mois plus tard, la rédemption espérée faisait place à l’atterrement. « Sa rétine était brûlée. Irréversible ! »

90 secondes d’exposition

Un mois et demi a passé depuis cette triste affaire. Mais Sandrine, Poitevine d’origine, ne baisse pas les bras. Le  cas du fiston est le premier du genre enregistré par le CHU de Limoges. Il doit servir d’exemple. « Les médecins, là-bas, m’ont conseillé de communiquer le plus largement possible, pour que de tels accidents ne se reproduisent plus. »

La démarche est marquée du sceau du courage. Peut-être servira-t-elle à convaincre d’autres ados et adultes de la dangerosité desdits lasers, à tout le moins d’une utilisation inappropriée. « On estime à 90 secondes le délai  au-delà duquel la rétine peut être brûlée, analyse le Dr Michelle Boissonnot, chef du service d’ophtalmologie du CHU de  Poitiers. Seules des circonstances particulières, notamment dans des cas de réflexion, peuvent accélérer ce phénomène. De toute évidence, cet enfant devait se trouver très près de la fenêtre et, qui sait, pointer, à travers elle, son faisceau vers les étoiles pour subir une telle altération. »

A Poitiers, aucune brûlure rétinienne n’a jusque-là été déplorée. « J’ai juste eu un jour un patient, utilisateur de ce type d’engin, qui se plaignait d’avoir une tache noire devant les yeux. Mais après du repos, elle a disparu. Encore une fois,  ce sont les modalités d’utilisation qui conditionnent tout. » L’usage fait loi. Après tout, peutêtre Axel n’était-il pas assez informé. Raison de plus pour que son expérience devienne référence. Et que l’incompréhension d’une mère réveille les prudences endormies.

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