Sarah Puisais, assignée à résilience

Sarah Puisais. 28 ans. Poitevine. Victime d’une dépression sévère juste avant le premier confinement. A traversé depuis beaucoup de hauts et de bas. Vit aujourd’hui dans l’optique de « sensibiliser les autres à la maladie », notamment via les réseaux sociaux. Signe particulier : un étonnant recul sur ses fêlures.

Ce soir de printemps 2020, « c’est parti en vrille » dans la maison familiale. Sarah regarde le couteau avant de se saisir du cendrier, qu’elle « explose sur la table ». Des crises d’angoisse aux pleurs ininterrompus, en passant par les coups de tête contre le mur, elle n’en peut plus. Marre de trimbaler son mal-être, d’étouffer sous les « persécutions bienveillantes » de ses parents, de digérer sa séparation et la fin de son CDD dans une entreprise de formation... Se nourrir et dormir deviennent un calvaire. « J’ai demandé à être hospitalisée dans une clinique psychiatrique, à Esvres (Indre-et-Loire). Il fallait que je fasse quelque chose. » Entre juin et septembre 2020, elle a appris la « différence entre la gestion et la maîtrise de [ses] émotions. Les médicaments, ce sont des béquilles, même s’ils sont importants au début pour tenir. »

Un an après sa sortie de Vontes, comment va-t-elle, Sarah Puisais, jeune femme a priori sans histoire, fondue de natation synchronisée ? « Mieux ! Je vois que j’ai réussi à progresser. Maintenant, j’ai toujours cette peur que ça reparte, que je replonge. » Ses petites victoires et ses moments de doute, Sarah les détaille au quotidien sur son compte Instagram (sr-puiss). Elle pose avec son chat Rox, adopté au SPA. Tout figure dans la description : « Sarah et Rox - 28 ans et 2 ans • Poitiers • Sarah (anxio-dépressive - TAG - TPB ?)
et Rox (Sida). Le combat quotidien de deux malades ». TAG comme trouble anxieux généralisé. TPB signifie trouble de la personnalité borderline.

« J’ai toujours cette peur que ça reparte »

Pendant le confinement, elle a préféré se raconter dans un blog personnel mais anonyme. Un besoin irrépressible d’expurger ses fragilités, de trouver des liens de cause à effet. 
Pourquoi elle ? Pourquoi maintenant ? « On a toujours été très bien traitées, très bien éduquées. » L’apparence de normalité cache une première faille.
Sarah et sa sœur ont été abandonnées par leur père biologique « quand on était bébés. Je ne portais pas le même nom de famille que ma sœur, en raison de la loi du 8 janvier 1993 sur la présomption de paternité. Ça a été très compliqué à vivre, jusqu’à ma majorité ». A ses 
18 ans, Sarah a pu enfin adopter le nom de son père. « Ce fut le plus beau cadeau de ma vie, et en même temps... » En même temps, Sarah a « pris conscience plus tard du trouble de la personnalité qui pouvait surgir ».

Dans sa quête de réponses à ses maux de jeune adulte, l’ancienne étudiante en droit a également mis le doigt sur ses années collège. Une période de « harcèlement psychologique » insidieux et destructeur à long terme. « Je pensais que c’était dans ma tête. Mais il y a des mots, des endroits et des douleurs que je n’ai pas pu inventer. » Ainsi va Sarah, en recherche perpétuelle d’équilibre émotionnel. Avec cette question ultime : en guérit-on un jour ? Un soir de mai 2021, elle a failli commettre l’irréparable, après une nouvelle demande d’hospitalisation refusée. Son SOS d’une terrienne en détresse a été entendu par son meilleur ami, endormi à deux pas, alors qu’elle venait d’ingurgiter médicaments et alcool. « En même temps, si j’avais vraiment voulu en finir, j’aurais pris la plaquette complète », se rassure-t-elle a posteriori. Aujourd’hui, elle se lève le matin pour aller mieux et passer un message simple à tous ceux qui souffrent dans leur chair et leur tête : « La clé est en nous, il faut parler, parler, parler... »

Diffuser 
de bonnes ondes

Les décès de son grand-père et de l’une de ses tantes lui ont fait prendre conscience de sa chance d’être vivante et de pouvoir profiter des petits plaisirs de la vie. Elle qui ne lisait jamais avant le confinement dévore ce qui lui tombe sous la main. Sur sa table de chevet, trône en majesté le roman de Romain Gary : Au-delà de cette limite, votre ticket n’est plus valable. Sarah adore les biopics, les livres historiques et de développement personnel. Dans son appartement de Montmidi, en revanche, pas de télé. A quoi bon s’infuser les malheurs du monde en boucle ? « Je n’ai pas envie d’entendre des choses anxiogènes... » Au contraire, elle a envie de diffuser de bonnes ondes. C’est le sens de son témoignage à visage découvert. La dépression, ça n’arrive pas qu’aux autres.