Le distanciel a creusé les inégalités

Enseignement à distance égale creusement des inégalités scolaires. C’est la conclusion d’une étude coordonnée par le Centre de recherches sur la cognition et l’apprentissage de Poitiers.

Arnault Varanne

Le7.info

France, Royaume-Uni, Italie, Amérique du sud, Etats-Unis, Australie... Sur les cinq continents, la Covid-19 a bousculé l’organisation du système scolaire, avec à la clé un enseignement à distance quasi généralisé. Coordonnée par le CeRCA (Centre de recherches sur la cognition et l’apprentissage de Poitiers), une équipe internationale de chercheurs s’est appuyée sur des études interdisciplinaires (psychologie sociale, cognitive, sociologie) pour « comprendre l’impact de l’enseignement à distance sur les inégalités scolaires ». Car sans surprise, les fermetures d’écoles, plus ou moins longues selon les pays, ont creusé les écarts.

« Le confinement est arrivé de façon assez brutale, commente Sébastien Goudeau, l’un des chercheurs du CeRCA. Le pays n’était pas préparé, pas plus que les autres d’ailleurs selon les témoignages recueillis. Si la plupart des familles ont un ordinateur, toutes ne disposent pas d’un équipement individuel permettant de gérer à la fois les devoirs, le télétravail... » Les connexions Internet aléatoires ont aussi agi comme un obstacle, au même titre que les compétences des parents. Des familles ont eu parfois du mal à ouvrir un mail, télécharger un document et le renvoyer à l’enseignant.

Triple fracture numérique

L’article publié dans le Nature Human Behaviour pointe en fait une triple fracture numérique. Non seulement « les familles défavorisées, comparativement aux familles favorisées, sont moins susceptibles d’avoir accès à des équipements informatiques », mais elles sont aussi « moins susceptibles de posséder des compétences numériques nécessaires à la mise en place de l’école à la maison ». Selon les chercheurs, elles auraient « des usages numériques davantage récréatifs que pédagogiques ». Un autre élément semble constituer une sorte de double voire triple peine : « Les familles défavorisées se sentent moins légitimes à demander de l’aide aux enseignants, à les interpeller », explique Sébastien Goudeau. Ce qui est presque paradoxal puisqu’une autre étude a montré que les parents de milieux populaires avaient passé « autant voire plus de temps à faire faire les devoirs ».

Une question affleure : la France s’en est-elle mieux sortie que ses voisins, dont les écoles sont restées fermées pendant de longs mois ? « Les fermetures d’écoles creusent les inégalités, avance Sébastien Goudeau. Moins on les ferme, moins on creuse les inégalités. Mais parfois, le maintien coûte que coûte entraîne des protocoles très lourds. On revient toujours à cette question des moyens, avec des classes moins chargées... » Un autre chantier de taille attend l’Education nationale, celui de la formation des enseignants et des... parents.

L’étude complète est à retrouver sur nature.com.

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