La « truffe du Canada », toute une histoire !

Le Regard de la semaine est signé Didier Moreau.

Le7.info

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Avez-vous mangé récemment « Helianthus Tuberosus » ? Rapportée au XVIIe siècle du Nouveau Monde dans les bagages de Samuel de Champlain, la « truffe du Canada », ou « artichaut de Jérusalem » est un légume oublié. C’est une plante rustique qui produit une grande quantité de tubercules, faciles à cultiver, même dans les sols les plus pauvres et ne craignant pas le froid tant qu’ils sont en terre. La multiplication se fait par plantation de tubercules, en février ou mars, avec un rendement variant selon les terrains et les régions de 3 à 4kg au m², contre 3 à 5kg pour la pomme de terre.

En cuisine, ce légume plein d’atouts possède une saveur proche de celle de l’artichaut avec une pointe de noisette.Il est pauvre en calories mais néanmoins nutritif. Enfin, il n’est pas constitué d’amidon, mais d’inuline, un glucide intéressant pour les personnes diabétiques. Tout pour plaire et pour diversifier les plats d’hiver !

Alors ? C’est le topinambour !
Son importation en Europe montre beaucoup de notre histoire. Venu d’Amérique du Nord en 1607, le légume avait un goût proche de celui de l’artichaut, ce tubercule cultivé par des tribus amérindiennes bien avant l’arrivée des Européens. Sa diffusion rapide en France puis Europe s’est faite grâce à une culture facile, sa rusticité et sa forte capacité de multiplication, même dans des sols pauvres : 
tout pour le populariser. Le nom commun -topinambour- résulte d’un quiproquo. Il vient de la francisation du nom d’une tribu du Brésil, les Tupinambas, dont plusieurs membres furent amenés comme « curiosité »
à Paris, en 1613, à un moment où cette nouveauté prenait place dans les potagers de l’époque. Les gens crurent alors que le légume était venu du Brésil, avec la tribu, et ils ont commencé à les appeler… topinambours !

Lors de la Seconde Guerre mondiale, son statut de « légume de rationnement », souvent mal cuit et cuisiné sans matière grasse, a laissé dans beaucoup de pays d’Europe de très mauvais souvenirs, on le comprend aisément. En effet, le topinambour, tout comme le rutabaga, a vu sa consommation généralisée car il n’était pas, comme la pomme de terre, réquisitionné au titre des indemnités de guerre versées à l’Allemagne. Il servait aussi de carburant de substitution. En tout cas, il est devenu le symbole d’une période à effacer de la mémoire collective.

Ainsi se trouve une fois de plus montré combien les représentations et les clichés imprègnent notre mode de vie. A quel point le retour à une information simple, authentifiée, dans une perspective historique, est crucial. Démarche mettant « sur la table » tout ce qui permet de se faire une autre idée des choses et combattre ainsi les idées reçus, infondées.

Dernier petit enseignement, le topinambour a beau être un légume, sa place n’est en fait pas dans le potager car c’est une plante invasive qui envahira vite les autres plantations. Idéalement, on lui accordera un emplacement à part, loin du potager et des plates-bandes, Décidément, rien n’est simple et tout à un effet secondaire, il suffit de le savoir... Mais ceci est une autre histoire.

CV express
Formé à l’université de Poitiers avec une double compétence économique et scientifique, je suis directeur de l’Espace Mendès-France depuis mai 1991. Mes responsabilités nationales dans la culture scientifique et mon expérience d’élu local m’ont apporté beaucoup. J’accompagne avec bonheur les projets de mon ami Edgar Morin, des acteurs de la Grande Muraille verte et du Pacte mondial des jeunes pour le climat.

J'aime : Victor Hugo, Montaigne, la Louisiane, Quentin de la Tour, la politique, les jardins remarquables, les enthousiastes, Jules Verne, la pierre du Périgord noir, la convivialité.

J'aime pas : les mégots de cigarettes, le simplisme, les péremptoires, la vindicte, l’individualisme, les impatients congénitaux.

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