Pierre Barronnet-Frugès. Nom d'un château !

Pierre Barronnet-Frugès. 60 ans. Premier directeur du Château de Monts-sur-Guesnes qui ouvre ses portes jeudi. D’ici et d’ailleurs, né à Marseille parce qu’il faut bien naître quelque part. Jamais rassasié de nouveaux voyages.

Claire Brugier

Le7.info

Il y a eu Pierre-Edmond puis Henry -avec un y en hommage à un probable ancêtre anglais-, Pierre, Alain et lui-même, autre Pierre Barronnet-Frugès. Le premier directeur du Château de Monts-sur-Guesnes, lequel ouvre jeudi ses portes, égrène les prénoms de ses aïeuls comme il rappellerait la généalogie des Rougon-Macquart. A la différence que les premiers ont bel et bien existé. « Avant, je n’en parlais pas… » L’ombre d’Henry plane encore sur l’histoire familiale, « la mégalomanie de [son] grand-père » a longtemps pesé sur les souvenirs de Pierre. « Il fallait pouvoir sortir de l’affect. » Le cadet et seul garçon d’une fratrie de trois enfants a pris son temps pour assumer l’héritage associé à son patronyme. Frugès comme la raffinerie bordelaise du même nom, rachetée par Beghin-Say dans les années 1930. Frugès comme l’hôtel particulier édifié en 1912 dans le centre de Bordeaux. Frugès aussi comme la cité imaginée par Le Corbusier en 1924 à Pessac, aujourd’hui patrimoine mondial de l’Unesco. « Mon père a grandi dans l’hôtel Frugès, personnellement je ne l’ai visité qu’en 2012… » Le temps fait doucement son œuvre.


Dans le Bordelais, le nom résonne toujours. Pierre, lui, est né à Marseille, à la confluence de deux familles, de deux mondes aussi, la bourgeoisie bordelaise côté paternel, l’industrie de l’autre. « Mon grand-père maternel était plutôt un industriel besogneux. Il a notamment participé à l’électrification de la Géorgie, à Tbilissi. C’est là qu’il a rencontré ma grand-mère, dont le père était consul. » 

« J’ai fait des voyages extraordinaires »

La saga familiale fait écho à l’histoire de l’Europe. Enthousiaste, Pierre remonte volontiers le temps à la rencontre de ses ancêtres. Le jeune sexagénaire, qui a posé ses valises à Saint-Clair, à quelques kilomètres à peine des Deux-Sèvres qu’il affectionne, se plaît à conjuguer la petite et la grande histoires, celle de Louis XIV dont il a croisé le souvenir dans le Var, celle de Marie-Madeleine qui l’a mené du tombeau de la sainte à Saint-Maximin jusqu’à Jérusalem… Qu’importe le prétexte, la curiosité est là, nourrie de longue date par des parents férus de tourisme. 
« Mon père est entré en 1959 aux Wagons-Lits/Cook. Ma mère a travaillé à Lyon chez Richou. Durant toute mon enfance j’ai fait des voyages extraordinaires. A 12 ans, je suis allé en Argentine avec une de mes sœurs, ma mère et l’une de ses amies. Elle était guide-conférencière au Louvre, très cultivée, lesbienne, fumant le cigare. C’était un personnage ! J’ai aussi fait avec mon père une croisière sur le Mermoz, j’avais 17 ans… » La mémoire de Pierre fourmille des souvenirs bigarrés de ses jeunes années. Ils éclipseraient presque le divorce de ses parents, en 1968. 

Par la suite, sa mère reprend une auberge dans le Lot. « J’ai été serveur, cuisinier, femme de chambre, comptable… Ça a été mon premier vrai métier. » Puis, à peine majeur, sans même connaître sa chance, le jeune homme touche-à-tout travaille pendant trois mois dans des chais prestigieux -Châteaux de Maucaillou, d’Yquem…- et effectue son service militaire au mess des officiers de Toulouse, où les bonnes bouteilles ne manquent pas davantage. « Si bien que j’ai voulu faire une école d’œnologie à Montpellier ! » C’était compter sans la vigilance paternelle. Ce sera un premier poste dans les Wagons-Lits/Cook à Albi. Pierre a 21 ans. « Pendant un an et demi, j‘ai été agent d’accueil, puis j’ai été envoyé à Graulhet (ndlr, Tarn), la capitale mondiale de la basane. » Les clients étaient des patrons de la mégisserie. « C’est là que j’ai fabriqué les plus beaux voyages de ma vie ! » Ils épousent la route des cuirs de mouton ; elle commence en Afrique du Sud ou en Nouvelle-Zélande, passe par le Pakistan, le Bengladesh puis par l’Inde ou Hong Kong pour le façonnage, avec une dernière étape farniente à Tahiti ou en Californie. « C’était des billets à 80 000 francs ! », se souvient l’ancien voyagiste. Au bout de deux ans, il est envoyé à Lourdes pour développer « le réceptif ». 

Tourisme, médecine… et tourisme

Parallèlement, avec la complicité du Pr Marco, grand nom de l’angioplastie, Pierre fait bientôt de l’organisation des congrès médicaux sa spécialité. Il reste ensuite neuf ans en agence à Hyères, onze au comité départemental du tourisme du Var. Entre-temps il s’est marié, a eu deux filles, a divorcé. Il crée une société comme consultant dans le tourisme, à Paris, plonge dans le monde de la télémédecine aux côtés de son beau-frère, revient finalement au tourisme dans les offices de Thouars puis Langon, dernière étape avant Monts-sur-Guesnes. Il a y pris son poste en novembre. « Les premiers mois, j’étais dans la boue toute la journée », raconte-t-il soulagé de voir le printemps s’installer. Pendant ces six derniers mois, Pili a parcouru le chantier dans les pas de son maître. Où qu’il aille, la jeune berger australien le suit. Le suivra. Depuis ce château qui domine la plaine, Pierre regarde déjà ailleurs.

À lire aussi ...