Izzy Meuli, vigneronne au naturel

Isabella (Izzy) Meuli. 34 ans. Londonienne de naissance. Directrice commerciale, et plus encore, du domaine Ampelidae, à Jaunay-Marigny. Aime apprendre, l’Asie, la nature et la vigne. Pétillante et passionnée.

Claire Brugier

Le7.info

Aujourd’hui Isabella (Izzy) Meuli ne s’imagine pas loin des vignes. Demain ? Elle ne sait pas encore. Hier ?  Elle a expérimenté la vie de courtière en assurances en Angleterre puis au Japon, jamais lassée de nouveaux apprentissages. « J’aime apprendre, avoir toujours le sentiment de progresser », lâche la directrice commerciale du domaine viticole Ampelidae, à Jaunay-Marigny. De la vigne aux chais en passant par les salons professionnels, la jeune femme de 34 ans apprivoise doucement son nouveau statut de « vigneronne ». Il convient à son énergie, à sa soif de découvertes. Dans son large pantalon en velours côtelé bleu marine, son gilet violet et ses godillots tout-terrain, Izzy semble parfaitement dans son élément.

« J’avais 18 mois quand mes parents ont acheté le château (ndlr, château des Roches, à Marigny-Brizay). J’y ai passé toutes mes vacances scolaires, Noël, Pâques, l’été… » De ce petit coin de verdure, perdu en pleine campagne française, à des centaines de miles de sa Londres natale, elle garde le souvenir « de longues tablées avec des amis venus d’Angleterre », de jeux d’enfants autour d’une échelle de corde, de promenades à poney à Beaumont, d’un stage de voile sur le lac de Saint-Cyr… A l’époque son père, Anglais d’origine suisse aujourd’hui assureur, était banquier, et sa mère aux petits soins pour ses quatre enfants, trois garçons et une fille, Izzy, la troisième-née de la fratrie.

Spécialité : chinois

En 2003, la ferme attenante à leur pied-à-terre français s’est retrouvée en vente. Sans rien y connaître à la vigne, Kate et Benji Meuli, encouragés par le fondateur d’Ampelidae Frédéric Brochet, ont agrandi de 200 hectares leur domaine. «. « On a toujours bu du vin ici, mais celui dont je me souviens le plus, c’est l’Ampelidae, se souvient Izzy. Je n’ai pas participé aux premières vendanges. J’étais à l’école. Seul mon frère aîné était présent. » Pour en être, il fallait avoir terminé son lycée, l’université de débutant que fin octobre. « On a tous commencé les cours avec les mains noires ! », glisse Izzy. Pour elle, c’était en 2007, avant son entrée à la School of oriental and african studies (SOAS). Spécialité : chinois. « Au lycée j’avais étudié le français, l’espagnol, le latin, l’histoire et j’avais eu l’opportunité de choisir une autre langue, le russe ou le chinois… » Ce fut le second, à raison d’une maigre demi-heure de cours par semaine. Mais ce « monde qu’[elle] ne connaissait pas du tout » avait piqué sa curiosité. Pendant quatre ans, dont un passé à Pékin, I’étudiante a donc approfondi sa connaissance du chinois à la SOAS et obtenu son diplôme avec un « first class degree », l’équivalent d’une mention très bien. « Je n'avais aucune idée de ce que je voulais faire ensuite... », confesse Izzy.

« Ce n’était pas mon rêve, mais pourquoi pas ? »

Cette année-là, elle a fait les vendanges de A à Z. « Je me souviens, avant la fin, mon père m’a demandé ce que je comptais faire. » Un stage dans une société d’assurances ? Elle n’a pas objecté. « Dans mon esprit, c’était juste pour avoir quelque chose sur mon CV. » On lui a finalement proposé un poste à temps plein. « Ce n’était pas mon rêve, mais pourquoi pas ? » D’autant que l’entreprise se développait en Asie. Quelques années plus tard, « en 2017, je me suis sentie « in a rut » (littéralement : dans une ornière) », confie-t-elle.  Pour rompre la routine, Izzy a accepté une mission plus longue à Tokyo.  « Connaissant le chinois, je pensais que le japonais serait facile à apprendre… Mais cela n’a rien à voir ! (sourire) J’ai adoré Hokkaïdo, le ski, les randonnées… Et aussi le calme et la sérénité de ce pays. » Mais la jeune courtière anglaise s’est aussi retrouvée « dans un monde très masculin », inondée de « mails en japonais », stressée… « J’ai appris beaucoup de chose mais c’était dur », lâche-t-elle. Entre-temps, sa mère Kate avait repris la gérance d’Ampelidae pour en devenir la présidente début 2020. « J’avais dit que je changerais de métier avant dix ans, j’en étais à neuf… » Alors quand son père l’a à nouveau interrogée, la jeune femme n’a pas tergiversé. Ce serait Ampelidae, d’abord pour développer l’oenotourisme, et plus si affinités. Et affinités il y a. Izzy a même validé les niveaux 2 et 3 de la WSET (Wine & Spirit Education Trust).

La vigne à temps plein

Organiser les vendanges, participer à la validation des assemblages, créer une nouvelle étiquette ou présenter le domaine lors des BFM Awards qui se tenaient cette année à la Pyramide du Louvre, elle est de tout ce qui touche à la vie du domaine. « Chaque jour il y a des choses différentes à faire et, avec le vin, il y a chaque année de nouveaux défis à relever, le gel, la grêle, la sècheresse…, note-t-elle, radieuse, talonnée de près par « Pep » (Pépin), un jeune braque anglophone. Je n’ai pas de regret mais la plupart de mes amis de la SOAS sont partis en Chine où ils ont trouvé un emploi. Ma vie aurait été différente si j’avais continué dans cette voie… » Pétillante et volubile, la jeune femme assume sa singularité avec simplicité et s’amuse de constater que son nouveau métier de vigneronne suscite bien des questions.

 

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