Elsie Griffiths, à choeurs ouverts

Elsie Griffiths. 45 ans. Poitevine de toujours. Chanteuse lyrique, violoncelliste et cheffe de choeur. Amarrée à une famille de musiciens. De l’énergie à revendre et le sourire communicatif. Croit aux rencontres et aux moments qui font la vie.

Claire Brugier

Le7.info

Cheveux courts qu’elle ébouriffe régulièrement, lunettes fines et sourire accroché aux lèvres, Elsie Griffiths a un air terriblement juvénile. Mais gare à celui ou celle qui la qualifiera de 
« jeune cheffe de chœur ». 
« Parce que ce n’est pas vrai et parce que j’ai vingt-cinq ans d’expérience ! » Et comme si cela ne suffisait pas à prouver sa maturité revendiquée, « quand j’ai commencé mon métier, chef au féminin ne prenait qu’un f », renchérit avec malice la chanteuse et violoncelliste, dont le nom trahit des origines galloises. Des origines seulement. La maison familiale est à Villiers et Elsie, la 
deuxième-née d’une fratrie de quatre enfants, est la seule à avoir hérité d’un prénom aux consonances anglophones. Elle avoue d’ailleurs en être « assez fière », comme de cet accent poitevin qui lui a valu quelques moqueries au début de sa carrière de chanteuse lyrique. « Cela m’a agressée, j’avais le sentiment de devoir renoncer à mon identité… » 


Rêve parisien

Biberonnée à la musique par une mère pianiste et un père guitariste, tous deux amateurs passionnés, Elsie a, après des études mêlant musicologie et conservatoire, voulu « monter à Paris, comme tout le monde, lâche-t-elle. Je voulais être chanteuse d’opéra ». Pour se consacrer au chant lyrique, elle a délaissé son violoncelle. 
« Mais je n’ai jamais vendu mon instrument et je l’ai repris vers 26-27 ans. J’en avais marre d’un monde dans lequel je ne perçais pas. Car je suis soprano et il y a une foule de sopranos !, 
s’exclame-t-elle. Et puis dans les concours, ce n’était que de l’allemand ou de l’italien. J’avais envie de défendre la langue française. » Elsie a alors goûté avec bonheur à la chanson réaliste du début du XXe siècle et elle est rentrée dans son Poitou natal, auprès de sa famille de musiciens, ses parents bien sûr, son frère Alexandre, membre du groupe Ô Bec, et ses sœurs, Pauline la harpiste et Lucile la flûtiste, la seule dont ce n’est pas le métier. « Mes parents ont élevé trois saltimbanques sur quatre », résume Elsie, reconnaissante des vacances à travers l’Europe « en van, avec une toile de tente et la guitare dans le coffre ». 


« Il faut en permanence inventer son métier »

« Quand on se réunit, tout le monde apporte son instrument ! » 
Les univers musicaux sont différents mais l’harmonie est immédiate, évidente, intemporelle. 
« On est toujours là les uns pour les autres. Ma famille, c’est ma force, appuie Elsie. Mes parents nous ont donné la possibilité de faire ce que nous aimions et nous l’avons saisie à bras-le-corps, mais ce n’est pas une ligne droite, il faut en permanence inventer son métier. » 
La chanteuse ne nie pas les moments de doute. « J’ai voulu arrêter parfois, j’en avais marre d’avoir une vie décalée, de ne pas pouvoir payer les factures… » En 2015, lasse de tirer le diable par la queue, elle démissionne des ateliers Syrinx. « J’ai aussi perdu 50kg, pris un an, ce qui m’a permis de sortir d’un mariage compliqué… » La musique a résisté à ce déluge et, un bilan de compétences plus tard, Elsie s’est retrouvée à l’enseigner en collège. Puis elle a repris le chemin des chœurs grâce à Figaro Si Figaro Là, « un 
énorme tremplin ». Actuellement, l’énergique cheffe de chœur dirige des voix dans huit associations, de Montmorillon à Champigny-le-Sec en passant par Chauvigny et Poitiers. 


Positive attitude

Récemment formée aux percussions corporelles, elle interviendra à partir d’avril auprès de scolaires avec la compagnie rochelaise Toumback. « J’adore le métier de cheffe de chœur, j’ai la sensation d’avoir la musique au bout des doigts. Mais le milieu scolaire est très enrichissant, c’est comme reprendre une bouffée d’actualité, on est obligé de se réinventer. » 
Se réinventer… Le rôle de 
« maman solo », de deux filles aujourd’hui âgées de 17 et 19 ans, 
ne lui en a jusqu’alors guère laissé le temps. Elsie tient sa revanche et lorgne la musicothérapie. Elle rêve aussi d’un violoncelle électrique pour « tordre le cou à la musique classique ». 
La quadragénaire se sent désormais « plus organisée », 
libre de choisir ses projets musicaux, fière aussi d’avoir une maison rien qu’à elle, après deux divorces et quatre précédents achats immobiliers. « Je ne dépends de personne. Enfin je suis une grande fille ! », 
sourit-elle, toujours prête à prendre la route pour rejoindre « [son] chéri sur Parthenay » et à accueillir sa famille élargie, le frigo bien rempli. « Je ne compte plus les personnes qui ont les clefs de ma maison ! », lance-t-elle ravie. 


Son corps lui rappelle parfois de ralentir le rythme et des insomnies chroniques s’invitent dans son quotidien, la faute à des angoisses. « J’aurais pu m’écrouler plusieurs fois… », 
glisse pudiquement celle qui n’a pas cessé de « croire aux rencontres, aux moments ». 
« Il faut laisser faire la vie et, le temps venu, elle nous ouvre les portes, positive-t-elle. J’ai toujours voulu faire l’Olympia et l’Opéra Bastille. Je n’ai fait ni l’un ni l’autre mais je suis très épanouie dans mon métier et ce sont ces rêves qui m’ont poussée jusqu’ici. »

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