Ruée sur les eaux usées

Alors que les épisodes de sécheresse se répètent en France, la réutilisation des eaux usées n’est plus un tabou. Elle figure même dans le « plan eau » du gouvernement présenté jeudi dernier. Professeur à l’Ensi Poitiers, Hervé Gallard rappelle le principe et les limites du modèle.

Romain Mudrak

Le7.info

Réutiliser les eaux usées traitées, quèsaco ?
L’eau usée arrive des égouts dans la station d’épuration qui enlève la pollution carbonée, l’azote et le phosphore puis la reverse dans le milieu naturel (rivière ou nappe). Mais ce n’est pas suffisant pour autoriser sa réutilisation. « L’eau doit en plus être filtrée et désinfectée pour détruire les bactéries et les virus avec du chlore et des UV », précise Hervé Gallard, professeur à l’Ecole nationale supérieure d’ingénieurs (Ensi) de Poitiers, spécialiste des traitements de l’eau. Attention, à ce moment-là, l’eau n’est toujours pas potable. L’investissement supplémentaire est estimé à 38€/m3/jour. Le surcoût de fonctionnement augmenterait le tarif de l’eau de 0,50€/m3, qui serait payé par les usagers.

Les usages
La qualité des eaux usées traitées est classée en quatre catégories (A, B, C, D). « Différents paramètres sont mesurés : 
la présence d’Escherichia Coli, la demande biologique en oxygène, les matières en suspension », souligne Hervé Gallard. Du niveau de « propreté » dépend l’usage. « A » pour l’arrosage des fruits et légumes qu’on mange crus. En revanche, pour les raisins qui seront transformés en vin, un niveau inférieur suffit. L’irrigation pourrait bénéficier en priorité de l’eau usée traitée. Reste à savoir comment transporter cette ressource de la station à la parcelle. On pense aussi au nettoyage des voiries et à l’arrosage des espaces verts grâce à des citernes. Aux Sables-d’Olonne, le projet Jourdain vise à la recycler en eau potable. Et si l’on gardait l’azote et le phosphore très présents dans l’urine et les selles pour arroser les champs qui en manquent ? C’est le projet SmartFertiReuse mené par Veolia dans les Hautes-
Pyrénées, auquel collaborent des étudiants de l’Ensi Poitiers. Cela permettrait de réduire les engrais chimiques et les coûts de traitement des eaux.

Ce qui freine en France
Moins de 1% des eaux usées sont réutilisées en France, contre 8% en Italie, 14% en 
Espagne et 85% en Israël. A peine une centaine de stations d’épuration sont équipées sur 23 000. Aucune dans la Vienne. Pourquoi ? 
« Les normes françaises sont plus contraignantes », note l’expert. Toutefois, la multiplication des épisodes de sécheresse et l’application d’une nouvelle réglementation européenne moins rude en juin devraient lever les freins culturels et techniques. Lors de la présentation du « plan eau » jeudi dernier, Emmanuel Macron a dit vouloir « investir massivement dans la réutilisation des eaux usées ». L’objectif ? 
Atteindre 10% à l’horizon 2030. 
1 000 stations seront équipées d’ici cinq ans. « Attention, reverser l’eau dans l’environnement pour éviter l’étiage devra rester la priorité », 
prévient Hervé Gallard.

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