Violences conjugales : réalité virtuelle vs récidive

Eric Dupond-Moretti a choisi Poitiers, vendredi, pour faire un point sur les bracelets anti-rapprochement, un an après leur mise en place, et pour présenter un dispositif de lutte contre la récidive des auteurs de violences conjugales à base de réalité virtuelle.

Claire Brugier

Le7.info

Tout sauf un jeu. Le nouveau dispositif de lutte contre la récidive des auteurs de violences conjugales, que le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti est venu annoncer vendredi à Poitiers, fait certes appel à la même réalité virtuelle que les jeux vidéo, en 3D et à 360°, immersive, capable de faire croire au cerveau qu’il est dans la réalité. Mais au regard des 80 féminicides recensés en France depuis le début de l’année et des trop nombreuses affaires de violences intrafamiliales, l’enjeu est on ne peut plus sérieux.

Porté par la Direction de l’administration pénitentiaire, via le laboratoire de recherche et d’innovation EX4, le dispositif s’inspire d’une expérimentation en cours à Tarragone (Espagne). Il va être mis en place dans trois des cent-trois Services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) de France, auprès de vingt-huit détenus de Meaux, Villepinte et Lyon. Grâce à un casque, ils vont tour à tour entrer dans la peau de Max, le père, Andréa, la mère, et Mathéo, l’enfant. Ils vont partager leur vie, leur cuisine et leur salon, selon un scénario de 12min élaboré avec minutie par des experts (psychiatres, neuropsychologues, chercheurs, conseillers d’insertion et de probation…) pour susciter l’empathie. « Une étude parue dans la revue Nature a expliqué l’impossibilité des auteurs de violence de se mettre dans la peau de leur victime », note Géraud de la Brosse, chargé de projet au sein d’EX4. Grâce à la réalité virtuelle, au fil des scènes, la tension monte, elle s’impose inexorablement au spectateur. « On ressort du visionnage avec quelque chose qui nous bouscule vraiment. Cela crée une petite faille qui peut permettre ensuite un vrai travail de pédagogie judiciaire », explique Eric Dupond-Moretti.

« Changer les comportements »

La jeune startup lyonnaise Reverto (12 salariés) avait déjà développé cette technologie au profit de ses clients (industries, transports, banques…) pour lutter contre les agissements sexistes, sensibiliser au handicap ou encore reconnaître le harcèlement scolaire. « On propose d’utiliser cet outil pour pouvoir changer les comportements, explique Guillaume Clere, fondateur de Reverto. C’est un outil qui vous donne accès aux émotions. C’est l’effet Proteus : quand on se met dans le corps de l’autre, on s’approprie ses caractéristiques, les sentiments de peur, d’insécurité, de contrôle permanent… Pour les auteurs de violences, qui sont souvent dans le déni, impossible de fuir le casque ! »

Pour encadrer cet usage de la réalité virtuelle, un protocole spécifique a été mis en place. Le coût de l’expérimentation, qui va s’étendre de septembre (sélection des prévenus) à décembre, s’élève à 117 000€, hors achat des casques (entre 350 et 500€ l’unité). Si les résultats s’avèrent concluants, le dispositif pourrait être étendu à d’autres thématiques comme la formation incendie, les gestes métiers pour les personnels ayant subi des violences...

 

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