Angela Kostencovska, le sport dans tous ses états

Angela Kostencovska. 26 ans. Née en Macédoine du Nord, arrivée en France à l'âge de 8 ans. Attachée de recherche clinique au CHU de Poitiers depuis juillet 2019. Handballeuse ayant évolué jusqu'en Division 2, passée par les équipes de Celles-sur-Belle puis de Moncoutant. Signe particulier : toujours très occupée.

Steve Henot

Le7.info

Le rebond de la balle, les coups de sifflet, les chants fervents des supporters… Ces sons ont rythmé quinze ans de la vie d’Angela Kostencovska. Alors forcément, la page ne se tourne pas comme ça, d’un coup d’un seul. « Le hand me manque terriblement, admet la jeune femme de 26 ans, dans un sourire. C’est difficile de voir jouer les copines, de suivre leurs résultats et la joie qu’il y a autour. Et après le Covid, c’est un peu l’euphorie ! » Voilà six ans que la jeune femme évoluait sous les couleurs du SA Moncoutant, un club dont elle est devenue un « élément emblématique ». Cet été, l’ailière reconvertie arrière a mis sa carrière sportive entre parenthèses pour mieux se consacrer à sa profession. « Je faisais 100km aller-retour, quatre fois par semaine, sans compter les déplacements avec l’équipe. Le temps de route était devenu plus important que le temps handballistique. J’étais fatiguée, je sentais que je faisais des erreurs dans mon métier. »


Angela est attachée de recherche clinique au CHU de Poitiers, depuis juillet 2019. Celle qui se destinait d’abord au métier de kinésithérapeute a validé une licence Activité physique et adaptée et santé (APAS) en fac de sport puis obtenu un master en ingénierie de la rééducation, du handicap et de la performance motrice (IRHPM) à l’université de Poitiers. C’est dans le cadre de son stage de master 2 qu’elle a intégré les équipes du CHU. Désormais, elle assiste à l’écriture des protocoles des essais cliniques, veille à ce que la réglementation soit bien suivie, vérifie et saisit la conformité des données… « Je n’avais jamais entendu parler de ce poste, j’étais curieuse. Ce qui me plaît, c’est d’interagir avec les médecins, les professionnels de santé et les patients. » D’autant que le sport n’est pas très loin. Elle intervient notamment comme professeure d’activité physique adaptée, dans le cadre d’une étude visant à évaluer le bénéfice d’un programme d’activité physique de haute intensité sur la fonction rénale des diabétiques de type 2 à haut risque (Actidiane).


Sélectionnée avec la Macédoine

« Je me noie dans le sport depuis toute petite », assure Angela. Durant son enfance passée à Thouars, l’ancienne ailière s’est essayée à de nombreuses disciplines, avant d’arrêter son choix sur le handball, à l’âge de 12 ans. Très vite performante, elle intègre le pôle espoir d’Angoulême dès l’année suivante. A ses 16 ans, elle rejoint le club de Celles-sur-Belle, qui évolue alors en Division 2. Dans les mois qui suivent, elle est appelée à jouer avec les U17 puis les « A » de son pays natal, la Macédoine du Nord. Point d’orgue de cette carrière, un match comptant pour les éliminatoires de l’Euro 2012 face à l’Equipe de France (20-40) d’Amandine Leynaux et de Cléopâtre Darleux, récentes championnes olympiques. Angela leur a marqué un but. « C’était une petite fierté de jouer avec les couleurs de la Macédoine contre mon pays d’adoption. »


Angela est arrivée en France lorsqu’elle avait 8 ans. Engagé dans l’armée macédonienne, son père était menacé par l’Armée de libération nationale (UÇK-M), une organisation d’origine kosovare qui a mené l’insurrection albanaise de 2001 en attaquant policiers et soldats. Il a obtenu le statut de réfugié politique et emmené avec lui sa famille dans les Deux-Sèvres. Chez les Kostencovska, personne ne parlait alors un mot de français. « C’est plus pour mes parents que ça a été compliqué. J’étais à un âge charnière où le cerveau peut engloutir beaucoup d’informations. Il fallait s’adapter. En deux mois, je parlais la langue. » Son enfance dans le petit village de Ljubanci, à quelques kilomètres de la capitale Skopje, lui semble aujourd’hui lointaine. « Les souvenirs que j’en ai, ce sont surtout ceux qu’on m’a racontés. Mon frère et moi étions jeunes, on nous épargnait. Je me rappelle quand même des tremblements de terre, de bruits sourds qui venaient de la frontière (avec le Kosovo, ndlr). »

« Je fais trop de choses, c’est comme ça ! »

Angela essaye de retourner en Macédoine du Nord une fois par an lorsque c’est possible. Pas si évident quand on multiplie, comme elle, les activités prenantes. « Je fais trop de choses, c’est comme ça, c’est ma personnalité ! » Tous ses week-ends sont aussi bien occupés par la rénovation de sa maison et de logements à louer à Poitiers, dans lesquels elle a investi avec son conjoint, professeur d’EPS. Elle n’exclut pas non plus de repartir sur de nouveaux cycles d’études. « J’aime bien aller me former, apprendre, dit-elle. Il y a plein de diplômes universitaires qui m’intéressent, j’ai des envies… C’est très large et c’est ce qui fait la richesse de ce métier. »


Angela ne vit pas son retrait du handball comme un grand vide, mais y voit l’occasion de se ressourcer, de « prendre soin [d’elle] ». Car son rythme d’antan a pu favoriser certaines blessures. « Je suis quelqu’un qui percute beaucoup, j’ai une âme de compétitrice. Le corps en prend pour son grade. » Si elle a consenti à baisser le pied cette année, n’allez pas croire qu’elle en a fini avec le sport ! Elle s’est récemment lancée dans le tennis -« un sport qui m’allait bien »- et « un peu » la course à pied. Peut-être reviendra-t-elle au hand un peu plus tard. Pour entraîner ? « En loisirs mais pas en pro. » Au-delà, le sport a été un élément structurant dans son parcours de joueuse et de jeune femme. « C’est la base de l’éducation, il véhicule des valeurs respectées, intenses. Il y a un gain santé, mais aussi un gain mental. J’ai grandi plus vite grâce au sport et j’y ai rencontré de belles personnes qui sont devenues mes amies. C’est pourquoi j’aimerais que mes enfants en fassent. »

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