Benoît Dujardin ou l’art du rebond

Benoît Dujardin. 44 ans. Poitevin d’adoption. Gérant de Momentum Productions, une boîte spécialisée dans l’audiovisuel et le marketing digital. Mordu de basket depuis l’enfance. A réalisé plusieurs documentaires et web-séries autour de la discipline. Veut faire passer des messages, comme lors des conférences TED qu’il co-organise à Poitiers.

Steve Henot

Le7.info

La bande-annonce, mise en ligne il y a quelques jours, a fait son effet parmi les amateurs de basket. Unicorn est la dernière production signée Benoît Dujardin. Ce documentaire s’intéresse au phénomène de l’Asvel Victor Wembanyama qui, à 17 ans, fait tourner la tête des plus grandes écuries de la NBA. Duj, comme ses amis le surnomment, n’en est pas à son premier coup d’essai. En 2012, avec son acolyte Tommy Hombert, le Poitevin avait suivi un autre crack du basket français, juste avant sa draft (une bourse de joueurs) dans la ligue nord-américaine. Il s’agit d’Evan Fournier, ancien du PB86 (2010-2012), aujourd’hui vice-champion olympique et star des Knicks de New York. « Notre angle était de raconter comment, grâce au système de formation français, un joueur arrive à la NBA, se souvient le Poitevin, bercé par les exploits de Michael Jordan. Sa carrière a montré qu’on avait mis le doigt sur quelque chose. »

Du Jardin des plantes à Saint-Eloi

A 44 ans, le gérant de Momentum Productions arrive à un âge où on « commence à regarder en arrière ». Non sans fierté, car il s’est longtemps cherché. Benoît a validé un DUT GEA, puis une maîtrise de gestion obtenue à l’Institut d’administration des entreprises de Poitiers, « comme {son} grand frère ». Après un bref stage aux Etats-Unis, où il apprend le codage et le langage HTML, le natif de Vernon (Eure) en décroche un autre dans un groupe de médias parisien. « Pas heureux » dans la capitale, au rythme du métro-boulot-dodo, il rentre à Poitiers auprès des siens, perdu, sans idées sur son avenir. Le sort ne l’épargne pas, peu après son retour, sa mère décède d’une rupture d’anévrisme. « C’était comme prendre un camion en pleine gueule. Le midi, je mangeais avec elle. Le soir, elle n’était plus là. » Sous le choc, il devient responsable du pôle animation et communication de la Technopole du Futuroscope par l’entremise de son père, Hubert, ex-président du Toit du monde. En parallèle, il crée Sport prod, entreprise spécialisée dans la création de sites web autour du… sport. On est aux débuts d’Internet, il y a une demande. « J’étais dans la peau d’un pionnier. »

Sentant que « des choses commencent à frémir » au CEP Poitiers Basket, Benoît Dujardin se propose de réaliser un documentaire sur la naissance du futur PB86. Il n’a alors qu’une modeste expérience de vidéaste amateur, sur le playground du Jardin des plantes, avec la caméra offerte pour ses 15 ans. « Avec des copains, je faisais des clips vidéo comme ceux de la NBA, montés au magnétoscope. » Le pari est réussi, un DVD est édité et, au fil des mois, sa mission au sein du PB devient officielle, comme responsable de la communication du club. Une web-série voit le jour, l’une des premières en France. Benoît revend Sport prod et quitte le Conseil général.

2011 est un tournant. La France est en finale du championnat d’Europe de basket face à l’Espagne. Benoît apprend que les équipes d’Intérieur Sport (Canal +) ne seront pas présentes pour saisir l’événement. Ni une ni deux, il écrit à l’attaché de presse de la Fédération pour lui proposer de réaliser, à ses frais, un documentaire sur l’épopée des Bleus. Banco. « Je lui ai dit que je ne pourrais pas dormir s’il n’y avait pas d’images de ce moment. » Surpris par sa présence dans le vestiaire à l’issue du match (85-98), Joakim Noah et Ronny Turiaf ne l’ont pas ménagé… « J’aime bien quand ce n’est pas gagné », glisse ce grand timide. Benoît reste quelques jours avec ces joueurs qu’il estime avant de prolonger sa collaboration avec la FFBB, pour d’autres reportages qui le mènent ensuite à San Antonio, à Portland… Une vie à 100 à l’heure. « Ça m’a plu de créer cette opportunité, et ça m’a montré que j’avais eu raison. » En 2014, il quitte ses fonctions au PB86 et fonde Momentum, sa boîte de production audiovisuelle, rejointe plus tard par Proballers.com(*).

Revenir à l’essentiel

L’entreprise se porte très bien. « Cela fait sept ans que je n’ai pas démarché de client, c’est confortable. Ai-je besoin d’aller vers plus de croissance ? Je n’en suis pas sûr… » Après un dernier voyage à New York, en 2019, Benoît a décidé de ne plus prendre l’avion. L’homme, éternel « curieux », a été marqué par les prises de parole de Greta Thunberg et Pablo Servigne sur l’effondrement écologique. « Ça m’a interpellé sur le modèle qu’on a tous en tête mais qui est moyennement vertueux. » Il n’hésite jamais à prendre position sur les réseaux sociaux. Il a aussi découvert les conférences TED, dont la vocation est de « faire circuler des messages qui méritent d’être partagés ». Avec l’association Vox Actum, il a organisé deux éditions au Futuroscope. Une troisième aura lieu le 16 décembre prochain. « C’est arrivé à un moment où j’avais besoin de retrouver quelque chose de désintéressé. Comme au basket, je me retrouve avec des gens qui ne sont pas comme moi. C’est hyper agréable d’avoir cet espace de liberté. »

La parole est libre, aussi, avec ses treize neveux et nièces -il a quatre frères et sœurs- dont il se sent très proche. Eux lui permettent de ne pas se sentir « boomer », lui s’attache à leur transmettre ses valeurs. « Ils me disent que je suis un « enfulte », mais je me vois plus comme un adulescent, sourit le célibataire, sans enfant. Leurs parents posent le cadre. Moi, je suis là pour leur dire qu’il peut y avoir de la place pour la créativité. » Et surtout pour une passion. Il est la preuve que la vivre « à fond » peut être bénéfique. Et l’histoire n’est pas finie. « J’ai toujours ce rêve de ne travailler que du basket. »

(*) Proballers.com est un site recensant les statistiques des joueurs et équipes de basket d’une multitude de pays sur la planète.

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