Elles ne sont plus « invisibles »

Depuis un mois et demi, neuf « femmes de ménage » de la centrale nucléaire de Civaux sont en grève pour réclamer une reconnaissance financière et matérielle. Soutenues par la CGT et des élus, elles bénéficient d’une importante caisse de solidarité. Et si leur combat était emblématique ?

Romain Mudrak

Le7.info

En descendant du podium improvisé mardi dernier, à l’entrée du site nucléaire de Civaux, Catherine, 54 ans, est en larmes. Plus de 300 personnes les ont applaudies, elle et les huit autres « femmes de ménage » de la centrale en grève depuis un mois et demi pour obtenir de meilleures conditions de travail et de salaire. « Je remercie tous ceux qui nous soutiennent, on a toujours l’impression de ne pas mériter autant d’attention parce qu’on n’est que neuf et qu’on fait un métier invisible. » 
Ce jour-là, le député de la Somme François Ruffin est venu les rencontrer et les soutenir. Une façon de « rendre visible les invisibles ». En 2020, le médiatique représentant de La France insoumise avait déposé en vain une proposition de loi pour « encadrer la sous-traitance et cesser la maltraitance des femmes de ménage ». Une expérience retracée six mois plus tard dans le film Debout les femmes !. Pour lui, le mot d’ordre n’a pas changé : « La base, c’est la réinternalisation de ce métier comme celui des vigiles par exemple. Aujourd’hui, elles sont employées par Elior Services, mais il ne faut pas oublier la responsabilité d’EDF, le donneur d’ordre, qui lance des appels d’offres de plus en plus serrés. EDF doit intervenir. »

« On s’est retrouvé »

Le 10 janvier, Marie-Agnès, Sylviane, Martine, Marlène, Elisabeth, Sylvie, Anita, Sandra et Catherine ont dit stop aux tendinites à répétition, aux lumbagos et aux hernies discales. Avec le soutien de la CGT de la centrale, elles se sont donc mobilisées pour obtenir de meilleures conditions de travail, des équipements de protection, mais aussi pour réclamer une hausse de salaire de 200€ bruts et un treizième mois. Une rencontre organisée la semaine dernière avec la direction d’Elior Services n’a pas abouti à un accord. « Ça ne nous dérange pas de nettoyer, mais pas dans ces conditions », note Marie-Agnès. « La prime de salissure à 3€ bruts par mois, c’est une preuve de mépris, reprend Catherine. Quand j’ai commencé en 1993, on était deux, on pouvait s’entraider, on se fêtait nos anniversaires, mais depuis dix ans on est chacune de son côté. »

Conséquence inattendue, ce mouvement social, qui ne devait durer que trois ou quatre jours, a renforcé leurs liens. « Dès le premier jour de grève, on s’est retrouvé. Aujourd’hui, on s’entend bien et on mange beaucoup trop de gâteaux ! » L’autre surprise, c’est le succès remporté par la caisse de solidarité. Plus de 
13 000€ ont été collectés en un mois pour compenser les pertes de salaire des grévistes. De quoi faire de cette mobilisation une « lutte à la fois matérielle et spirituelle, selon François Ruffin. Ce qu’elles font ici, le but c’est de l’étendre à toute la France pour que les gens se reparlent, fassent société et créent de la joie dans un pays atteint par la sinistrose. » Pour les différents protagonistes, ces neuf agents de nettoyage symbolisent le combat des « salariés de la deuxième ligne », dont la fonction n’a pas été revalorisée malgré le discours du Président de la République.

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